Critique théâtre | Et les amoureux auront des cataractes, dans un loft rue de Gaspé
Présenté du 6 au 18 janvier dans un loft du 5555 rue de Gaspé, Et les amoureux auront des cataractes est un spectacle pluridisciplinaire présenté par Tati Production, compagnie créée pour cette unique création. Écrit et mis en scène par Cassandre Émanuel, ce « multi-ce-que-tu-veux » est un habile enchevêtrement de théâtre et de ballet, élégamment porté par une exploitation plurielle de l’art de la marionnette.
Spectacle conduit par une équipe jeune, dynamique et aux nombreux talents, Et les amoureux traite en bonne partie de ce qu’il est en soi, c’est-à-dire le regard critique qu’il porte sur ses propres contenu et forme, dans la grande conscience de ses mises en abyme.
L’action se déroule principalement dans le loft hip, très au goût du jour (le bois, les accessoires de cuisine et les ingrédients dans des pots Mason bien mis en valeur) de Victoria, avec qui habite également son petit frère Lucien. Elle est une intransigeante professeure de français au cégep, difficilement appréciée de ses élèves, et lui est un rêveur-danseur inadapté à la société.
L’histoire est celle d’une Victoria qui laisse peu de place à ses émotions, mais qui s’ouvre à George, le méta personnage par excellence puisque conscient de son état de personnage. C’est avec l’aide des marionnettes qui les représentent et qu’eux-mêmes deviennent que nous suivons le développement de leur idylle. Marionnettes d’ailleurs charmantes de Camille Garneau, Gabrielle Carrère et Cassandre Émanuel, manipulées par les danseurs-ombres et les acteurs-danseurs-ombres qui prennent tour à tour différents rôles.
Intimité et proximité
Les tableaux évoluent dans l’intimité réelle qui est créée avec le public : les spectateurs sont à peine deux fois plus nombreux que les performeurs, qui sont souvent tous à la fois sur scène, et qui sont physiquement très proches de l’assistance, pulvérisant le ‘’quatrième mur’’. L’éclairage contribue également à ce sentiment de proximité, nous incluant à la scène plutôt que si nous avions été enfermés dans la noirceur, comme le voudrait la tradition théâtrale.
Par ailleurs, l’espace est très bien investi par les efforts de mise en scène et de jeux de lumière, ce malgré les contraintes très prégnantes du lieu, pour un résultat franchement engageant et très vivant.
La pièce aborde, au rythme bien balancé des mouvements dansés et du jeu sincère des acteurs, les thèmes étrangement reliés des processus d’écriture et de la mortalité inéluctable. « Mourir devient pas mal la seule fin », affirme à ce propos George, qui n’aime que les débuts puisque les suites le déçoivent inévitablement. Cette idée est débattue par les personnages mais gagne en importance jusqu’à sa concrétisation dans une fin pleine de débuts.
Bref, Et les amoureux auront des cataractes est le très sympathique aboutissement de la collaboration d’artistes bouillonnants de créativité, doublé d’une auto-analyse assidue et intelligente, qui saura combler les spectateurs les plus avides d’enthousiasme intellectuel et esthétique.
Réservation obligatoire : www.etlesamoureuxaurontdescataractes.com
- Artiste(s)
- Et les amoureux auront des cataractes
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Loft 5555 de Gaspé
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