Critique théâtre | Andreï ou le frère des Trois soeurs à l’Espace Libre
Au rythme cassé de silences incommodes, Andreï ou le frère des Trois soeurs trace le portrait du pathétisme d’une quotidienneté aliénante. Jusqu’au 9 novembre au théâtre Espace Libre.
Une pièce de musique classique joue alors que les spectateurs se placent et qu’Andreï, dos à l’assistance, mange, un chapeau de carton rouge serré sur sa tête.
Un magnétophone sur les genoux, il nous fait entendre ses sœurs. Elles papotent et se moquent gentiment de lui – qui a grossi depuis la mort de leur père, qui est leur petit savant avec sa guitare et ses sciences, qui est amoureux.
Elles attendent de lui qu’il les rende fières en devenant professeur d’université.
Mais Andreï, intimidé, s’est enfermé dans un quotidien ponctué d’insatisfactions.
Isolé parmi sa femme castratrice, ses enfants braillards, ses sœurs invisibles et son ami aussi sourd qu’ivrogne, Andreï est un inconfortable du monde.
N’ayant pas su trouver sa place, il pousse le cri aigre et embarrassant de la solitude qu’il s’est composée par crainte de lui-même et des autres. Cet embarras, le spectateur le ressentait bien lors des nombreux temps vides; des silences qui souvent tombaient plat.
Le bruitage et le travail de régie qui étaient parfois performés par les acteurs avaient un potentiel intéressant, mais il en résultait fréquemment une certaine confusion, notamment quant à l’utilité de telles interventions.
Bien de son temps, le metteur en scène a fait appel, au cours de la pièce, à plusieurs technologies : le magnétophone actionné par Andreï, la console d’éclairage en arrière-scène, la télévision dos au public en avant-scène… Il est dommage que ces techniques n’aient pas pu bien remplir l’espace scénique, qui paraissait trop grand et morne – quoique cela ait pu être intentionnel (création d’un univers de malaise et de solitude). Il était également décevant de voir que le magnifique bouquet de projecteurs qui éclairaient Andreï au premier tableau était aussi peu utilisé.
Si le jeu était généralement juste, les personnages manquaient de profondeur. C’est le vieil ivrogne qui, par des moments de touchante sensiblerie alcoolisée, paraissait le plus vrai.
C’est au fur et à mesure du désordre littéralement jeté en tous sens par les trois protagonistes que nous assistons à la déchéance d’un intellectuel étouffé par les attentes, que sa disgrâce a poussé à tester l’extrême limite de la vie.
- Artiste(s)
- Andreï ou le frère des Trois soeurs
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Espace Libre
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