Critique | The Book of Thel au Théâtre La Chapelle

Sous la gracieuse direction d’Aurélie Hubeau, The Book of Thel, pièce inspirée du poème éponyme de William Blake, raconte le questionnement existentiel de Thel (Cléa Minaker) jeune fille troublée qui n’accepte pas de vivre pour inévitablement mourir. Présenté du 25 au 27 novembre aux scènes contemporaines La Chapelle, ce spectacle à l’esthétique éthérée est un soupir lugubre d’angoisse et d’incertitude.

Le poème de Blake est d’abord chanté, puis déclamé, mais avec trop peu de conviction pour que le texte puisse capter réellement l’attention du public. De fait, la quasi absence d’émotions et de modulations dans la voix de l’actrice – qui pourrait effectivement être l’apanage d’une enfant troublée et solitaire comme Thel semble l’être – affaiblit la performance et installe de nombreuses longueurs. Le mouvement général de la performance étant également peu varié, le rythme se trouve pesant, malgré la brièveté du spectacle.

La création visuelle de Nicole Crouch, par contre, est enlevante : les voiles translucides descendant du plafond composent une forêt enchantée qui enrichissent l’univers poétique de Blake et de Minaker, à l’aide également d’emphatiques jeux d’ombre et de la légèreté de l’éclairage. Le tableau sylvestre est complété par des échos presque mystiques et la mouvance légère des éléments du décor.

Malheureusement, marqués également étaient les bruits maladroits en coulisse…

La jeune fille nous apparaît comme une ombre de la forêt, une fée aux contours incertains.

Cachée tantôt par les voiles, tantôt par la faiblesse de l’éclairage, Thel nous est mise à distance, placée comme inaccessible. Enveloppée d’une aura glauque et solitaire, elle est maîtresse d’un royaume des ombres.

Thel, vierge, est symbole d’innocence. Elle résiste à l’appel de la vie adulte – pas décisif vers la mort, que lui offre d’ailleurs de visiter le monticule de terre avec qui elle discute (ainsi qu’avec une fleur, un ver de terre et des nuages).

C’est à ce moment que commence un numéro de danse – longue transe angoissée – qui, d’abord inquiétant à force de respirations saccadées et de pénombre presque totale, ne finissait plus de se répéter. Au rythme d’une musique rouillée et ponctuée de râles assourdis, cette danse a des allures cauchemardesques, et rend définitivement la panique éprouvée par Thel à l’intérieur de ce qu’elle imagine être la mort : un pays de nuit au bout d’un long corridor lunaire.

Bref, si très belle et délicate dans son ambiance inquiétante, cette mise en scène du poème de Blake ne transcende malheureusement pas par son discours, lequel est presque occulté par la monotonie de son élocution. Dans l’interprétation présente de The Book of Thel, l’allégorie du poète sur la perte de l’innocence vers l’entrée au monde adulte reste plutôt abstraite, les conceptrices s’étant concentrées surtout sur l’aspect aérien et lyrique du monde créé…

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