Loco Locass

Critique | Loco Locass au Club Soda de Montréal

Loco Locass effectuait sa rentrée montréalaise, jeudi soir, près de six mois après la sortie de son troisième album qui tombait pile-poil avec le printemps érable. Malgré les récentes apparences de discorde au sein du trio, Biz, Batlam, Chafiik et leurs musiciens ont su semer un esprit de grande fête dans le Club Soda bien bondé et prouver leur pertinence continue, même une fois la crise printanière calmée.

La beauté de la chose, avec Loco Locass, c’est que plusieurs de leurs chansons ne sont pas éphémères, même si elles encapsulent les travers sociaux d’une période de temps assez précise. L’actualité se charge de renouveler leur pertinence, de leur donner un second (parfois même troisième) sens.

Bon. Disons que Libérez-nous des Libéraux ne fait plus partie de la grille de chansons pour des raisons évidentes.  Ça va de soi. Après des années à revendiquer le départ des rouges au provincial, les électeurs ont finalement exaucé le souhait exprimé avec fiel dans cette chanson qui a marqué la culture populaire tout au long de la dernière décennie.

Mais qui sait si/quand l’actualité la rendra nécessaire à nouveau…

 

Montréal est mort, vive Montréal?

Sinon, prenez Le But, par exemple. Les Locos l’ont jouée jeudi soir, pour la première fois en 2012, au moment où le lockout de la LNH perdure. Mais quand les trois rappeurs chantent de tout leur coeur  « Allez, allez, allez! Allez Montréal! », on a plutôt l’impression d’avoir affaire à un cri de ralliement pour encourager les Montréalais à ne pas perdre espoir, à sortir la Métropole du guêpier.

Un sujet que la chanson Occupation double récupère également.

D’autres thèmes de Loco Locass sont plus intemporels : le gambling (Kevin et Gaétan), le suicide chez les jeunes (émouvante M’accrocher), l’humiliation des moins populaires à l’école (Le Secondaire) et bien sur la souveraineté, saupoudrée un peu partout dans le spectacle. De l’avis des trois rappeurs, le printemps dernier n’était que le début d’un mouvement qui nous mènera à l’indépendance, rien de moins. Pas surprenant qu’ils dédient autant de leurs chansons aux braves carrés rouges.

Mais heureusement, il n’y a pas que la revendication dans les 130 minutes de spectacle qu’offre Loco Locass. Il y aussi beaucoup de plaisir brut, de Joufflu, de rock « bécyk-à-gaz » pour Antigone, de délire sur le Wendigo, de « coup de tomahawk de Mohawk sur le golliwok » et de pot-pourri inventif des chansons de Manifestif.

De clins d’oeil aussi. À Gilles Vigneault pour Tout le monde est malheureux, façon Loco Locass avec l’ex-Zapartiste François Parenteau comme invité, imitant le vieux poète avec beaucoup de respect.  À Paul Piché aussi, avec une sympathique relecture de Heureux d’un printemps, à la bonne franquette. Même à Dave Brubeck, l’instant d’un petit aparté jazz.

Plusieurs ont sourcillé lorsque Chafiik a proclamé: « Ça dure pas 30 ans un band. Surtout pas un band engagé », tout en implorant les jeunes artistes de prendre la relève. Les récentes entrevues de Loco Locass laissent clairement entendre que l’union des trois potes n’est plus ce qu’elle était. Pas facile de perdurer pour un trio formé de têtes fortes, engagées et opiniâtres que la vie adulte rattrape forcément, douze ans après la fontaine de jouvence qu’était le puissant Manifestif.

Mais quoi qu’il advienne de Loco Locass à court et moyen terme (le groupe sera en tournée québécoise pendant plusieurs mois en 2013), sa pertinence se confirme à nouveau avec des spectacles comme celui de jeudi soir.

Tant qu’il y aura des accrocs au Québec, Loco Locass aura sa place. Il n’en revient qu’à eux de l’occuper encore longtemps.

Grille de chansons

1. [wi]
2. La Trahison des marchands
3. Secondaire
4. Engouement
5. (intro The Price Is Right) Kevin et Gaétan
6. Tous les jours
7. M’accrocher
8. (pot-pourri de chansons de Manifestif)
9. La Bataille des murailles
10. Maison et idéal
11. Wendigo
12. Du Joufflu
13.
14. Tout le monde est malheureux (Avec François Parenteau)
15. Occupation Double (avec un extrait de La Comète de Dédé Fortin)
16. Antigone
17. Le But

Rappel
Manifestif
La Perle
Heureux d’un printemps (reprise de Paul Piché)
Bonzaïon
Les Géants

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