Critique | Euphorie – Cette liberté tentaculaire au Festival Fringe de Montréal

Euphorie – Cette liberté tentaculaire est une courte production intimiste signée Les Viscères. Présentée du 13 au 21 juin au studio Jean-Valcourt du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, dans le cadre du festival Fringe St-Ambroise, cette pièce de l’actrice Marie-Noëlle Doucet-Paquin offre aux spectateurs une série de monologues en rimes enchevêtrés, axés principalement sur la féminité.

Le spectacle s’ouvre sur une pause, tout en intensité, par le regard pétillant de Catherine-Audrey Lachapelle qui ausculte le public.  S’enchaînent ensuite les soliloques candides des cinq personnages – ou plutôt des cinq facettes de la Jeune Femme qu’a choisi de mettre en texte l’auteure – passant, d’une interprète à l’autre, des faiblesses et des crises existentielles à l’ardeur enjouée que peut vivre une femme au début de sa vie adulte.

Les actrices nous racontent la difficulté qui peut être éprouvée à s’affirmer en tant que personne, et ce particulièrement lorsqu’on appartient au genre féminin – lorsqu’on se met des barrières et des hauts objectifs à la fois, lorsqu’on essaie d’être une « femme-pieuvre » et de tout faire et tout réussir en même temps, ce sans vraiment s’arrêter.

 

Une pièce féministe ?

Le studio, de même que les mouvements et la durée des monologues et du spectacle même, semblent petits, presque timides… un reflet de la façon d’être de beaucoup de femmes, conditionnées par la société qui les veut calmes et rangées.

Euphorie nous présente des femmes, la femme, à travers des monologues rimés et des mouvements parfois dansés, parfois chaotiques.

Les actrices interprètent à plusieurs reprises une petite danse en ligne d’aliénées, de plus en plus lente à chaque fois, de moins en moins performée avec conviction, à mesure que les personnages se questionnent à propos de ce qu’elles font et qu’elles se rebellent (chacune à sa manière) contre les aspects de cette danse de la vie qui leur déplaisent.

Elles refusent ce symptôme de féminité qu’est la culpabilisation pathologique des femmes par rapport à leurs émotions, elles refusent le rôle de super-héroïne (de pieuvre), elles revendiquent les hauts et les bas que leur font vivre leurs ovaires, elles réfléchissent à leur vie à deux ou à une, elles pensent à l’avenir…

Le texte de Doucet-Paquin est sincère et accessible ; on croirait en fait entendre des extraits du journal intime d’une jeune femme, qui écrirait sans fard ses incertitudes et ses désirs contradictoires. Les monologues sont tous à la première personne du singulier, ce qui renforce la sensation d’intimité et met de l’avant l’idée que le personnel est aussi politique, un refrain féministe connu.

Si des thèmes qui touchent particulièrement les femmes de 20 à 35 ans sont amenés, ils ne sont généralement qu’effleurés et auraient gagné à être exploités plus en profondeur – pour mieux quitter la salle encore dans l’esprit des spectateurs.

Euphorie, un assemblage de pensées et de sentiments intimement féminins, est un tableau authentique puisqu’il vient des entrailles, mais qui ne marque pas par sa grandeur.

Spectacle porté à un rythme révérencieux et incertain, haussant la voix mais pas trop, c’est une histoire familière, qui donne aux femmes une voix spontanée.