Deerhoof

Critique | Deerhoof sème la folie au Piccolo Rialto

Le Piccolo Rialto, C’est pas la même chose que le Théâtre Rialto. Leçon bien apprise vendredi soir…

À notre arrivée au Théâtre Rialto pour y voir le groupe punk-garage expérimental Deerhoof, quelle ne fut pas notre surprise de nous retrouver au beau milieu d’un party de quinquagénaires déguisés – et parfois coiffés de jolis afros – qui se faisaient aller le popotin au son du Boogie Wonderband. What the

Un employé de la place flaire la confusion et nous informe rapidement que « le show de punk, c’est au sous-sol : tu passes par la porte à côté du resto ».

Vrai qu’avec sa capacité de plus de 1000 personnes (ou 650 quand le balcon est fermé), le Rialto semblait un peu grand pour accueillir un groupe (malheureusement) méconnu et sous-estimé comme Deerhoof.

Le Piccolo Rialto est beaucoup plus adapté : chouette petit cabaret situé sous le Rialto, on s’y sent davantage comme dans un party de sous-sol. Un genre de SAT souterrain, avec un mur arrière en briques d’origine, et un plancher flottant fraîchement aménagé pour qu’on se sente moins dans une grotte. (En passant : on se sent quand même dans une grotte.)

Photo par Shanti Loiselle.

Photo par Shanti Loiselle.

 

Le lieu permet également une plus grande proximité de la scène, qui est beaucoup moins haute. C’est parfait pour Deerhoof, sauf que de l’arrière de la petite foule, on y voyait presque pas la minuscule chanteuse et bassiste Satomi Matsuzaki, qui doit mesurer à peu près 4 pieds 8. Heureusement, il était facile de se faufiler afin de la voir de plus près, fascinant personnage avec sa bouille japonaise, sa queue de cheval teinte verte sur le côté et ses petits pas de danse étranges.

Son chant, qui rappelle une forme de minimalisme japonais (même si les textes, à peine compréhensibles, sont en anglais), va de pair avec son air impassible, au milieu du carnage sonore de ses musiciens, carnage d’une précision étonnante.

Photo par Shanti Loiselle.

Photo par Shanti Loiselle.

 

Batteur de feu !

Elle n’est certainement pas la seule membre intéressante à voir jouer dans Deerhoof. Pour ceux qui l’ignorent, le batteur Greg Saunier est un show en soi : son style déchaîné, son intensité inouïe et sa technique presque free jazz ajoutent une dose supplémentaire d’imprévisibilité à la musique déjà aventureuse de Deerhoof.

Photo par Shanti Loiselle.

Photo par Shanti Loiselle.

Saunier n’hésite d’ailleurs pas à quitter son poste derrière la batterie pour venir s’adresser à la foule à plusieurs reprises, à sa façon bien à lui. C’est-à-dire leeeeeeeente et pince-sans-rire.

Avec un nom comme Saunier, on devine qu’il connaît quelques mots de français, langue qu’il baragouine de façon sympathique, avant de prétendre que son français est « plus bon que la plupart des citoyens de Montréal ».  Puis il retourne battre la cadence frénétiquement… Apparemment, la pauvre caisse claire en a pris pour son rhume…

Ça passe du punk furieux au alt-rock déjanté, savoureusement imparfait mais rendu avec tant de présence que ça compense à 200% pour les erreurs et la manque de cohésion occasionnel.

Les deux guitaristes, eux, sont tout aussi épatants, en pleine maîtrise de leurs mélodies atypiques, même si Ed Rodriguez a dû interrompre momentanément le spectacle pour régler un problème d’ampli.

Pour We Do Parties, Matsuzaki laisse de côté la basse pour frapper généreusement le woodblock et danser comme si elle signalait à un avion sur la piste d’atterrissage.  À un autre moment, la chanteuse et son batteur changent de place pour une chanson qui semblait semi-improvisée.

La foule a véritablement pris plaisir à cette session de 75 minutes de brassage rock intense, créant un mélange de plancher de danse et de moshpit au milieu de l’attroupement. La musique de Deerhoof a cet effet à la fois défoulant et fascinant par sa complexité, si bien qu’on pouvait y voir autant de gens immobiles fixant le spectacle sur scène avec un sourire béant que de téméraires qui se rentraient dedans.

Le tout se termine au rappel avec There’s That Grin – Matsuzaki s’adonnait à une session de crump – et Come See The Duck, chantée à l’unisson par la foule, avec des petites chorégraphies aussi absurdes que vous pouvez l’imaginer. (Indice : Matsuzaki a mimé une queue de canard.)

De la belle folie comme on en retrouve trop peu de nos jours.

Photos en vrac
par Shanti Loiselle

 

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