Critique CD: Radiohead – The King of Limbs
Après avoir pris quelques jours pour absorber le nouvel album de Radiohead, The King of Limbs, nos collaborateurs Mathieu Romero, Philippe Mercieret Marc-André Mongrain se prononcent sur ce 8e item à la discographie du groupe, disponible en téléchargement depuis vendredi dernier.
Cote de Mathieu Romero:
Cote de Marc-André Mongrain:
Cote de Philippe Mercier:
par Mathieu Romero
Le quintet d’Oxford a crée tout un évenement: l’annonce d’un huitième album intitulé The King of Limbs moins d’une semaine avant la parution officielle.
Cet album est court mais s’inscrit dans la lignée des précédents: un mélange de musique électronique et de rock avec l’ajout d’un brin de jazz oriental.
La magie opère dès les premières notes de Bloom. Très similaire à Everything’s In Its Right Place mais beaucoup plus vibrant, la voix de Thom Yorke vient nous chercher rapidement.
Morning Mr Magpie démontre à quel point Jonny Greenwood est talentueux: des riffs intenses à la guitare coordonnant de l’afro-jazz et du funk.
La fascinante Little By Little est très entraînante, et sans doute la meilleure de l’album. Elle présente quelques paroles comiques, dont « I am such a tease and you’re such a flirt. »
L’intriguant Feral délaisse les instruments de musique pour faire place aux synthétiseurs et à une voix modifiée. Répétitive mais appréciée dans le genre « lounge ».
Lotus Flower est le premier simple de l’album. Des tonalités identiques aux morceaux de Morcheeba marquent la remarquable voix de Thom. Impressionnant!
Codex est une belle ballade au piano, moins intéressante que Videotape (sur In Rainbows), dont les paroles sont décousues et étranges.
Give Up the Ghost est une autre ballade dominée par de nombreux choeurs. À donner des frissons.
Finalement, cet album s’achève avec Separator, ponctuée par une basse puissante et des synthétiseurs. Excellente pour terminer un album.
Il faut plusieurs écoutes attentives pour apprécier pleinement ce disque de 37 minutes. À la recherche d’un son nouveau, Radiohead guide ses fans dans la séduction et le rêve! Un petit chef d’oeuvre!
par Marc-André Mongrain
Bien malin celui qui le voyait venir, ce 8e album de Radiohead!
Rendu disponible 5 jours après en avoir fait l’annonce, The King of Limbs surprend autant par sa mise en marché que par son contenu. Du moins, à la première écoute…
Il faut dire que Bloom débute l’album sur un ton inattendu: une rythmique irrégulière et saccadée à la dubstep, des effluves d’afro-jazz et le chant incantatoire d’un Thom Yorke qui balbutie un texte insensé. Bonjour la folie!
Cet étonnant collage électro n’aura d’égal que l’instrumental Feral, au milieu de l’album: un défoulement industriel touffu et déstabilisant.
La beauté toute en subtilité
Pour le reste, les mélodies se font plus farouches qu’à l’habitude sur cet album mené par les rythmes inventifs, mais quelques écoutes suffiront à en dévoiler les charmes.
La sublime Codex et sa consoeur Give Up the Ghost fournissent les airs les plus accessibles du lot.
Si la première (Codex) semble familière, c’est parce qu’elle repose sur des accords bondissant sur le piano à la Pyramid Song ou Videotape, mais avec une trame mélodique davantage dramatique, au service d’un texte sublime. Les arrangements épurés laissent toute la place à la voix posée de Yorke, alors qu’une trompette vient ajouter une touche solennelle. Sans doute le fait saillant de The Kings of Limbs.
Give Up the Ghost, elle, propose plutôt un joli jeu de guitare cyclique, qui s’envole avec la légereté de l’air (comme les oiseaux que l’on entend en transition entre Codex et celle-ci?). Comme sur plusieurs titres, un subtile effet d’écho accompagne la voix de Thom Yorke, ce qui ajoute tout juste ce qu’il faut de caractère à l’étrange quiétude de son chant.
Avec ses arrangements trip-hop, Lotus Flower n’aurait pas paru suspecte sur le plus récent album de Massive Attack. Mais tout comme Little By Little, la guitare de Johnny Greenwood vient ajouter une dimension presque perdue au mix mais sournoisement séduisante.
Le tout respire le calme et baigne dans un groove insoupçonné pour un groupe qui a fait du spleen et de l’angoisse son pain et son beurre depuis des années.
Rien de tout ça ne révolutionne le répertoire de Radiohead comme l’avait fait Kid A en 2000, par exemple. Mais force est d’admettre qu’avec une troupe comme Radiohead, un album « dans la lignée de ce que fait le groupe » demeure une oeuvre des plus pertinentes.
par Philippe Mercier
Bloom
Dès le début de l’album, Radiohead nous replonge dans la sonorité d’Amnesiac avec des petits rythmes saccadés et un piano névralgique. On entend alors quelque chose qui se faisait rare depuis Kid A; des cuivres! Ultimement, la chanson demeure planante, avec la voix de Thom York qui fait des montagnes russes, mais qui reste rythmée. Une belle entrée en matière.
Morning Mr. Magpie
Les guitares sont a l’avant-plan ici et la batterie n’est là que pour tenir le cadence. La basse est très efficace et suit une belle progression à travers toute la chanson. Le ton est encore très nerveux et les effets sonores incroyablement diversifiés. Elle offre quelque chose de nouveau à découvrir à chaque écoute; on ne s’attend à rien de moins du groupe.
Little By Little
Voici LA chanson immédiatement accessible de l’album, l’équivalent de Optimistic sur Kid A ou bien I Might Be Wrong sur Amnesiac. Les guitares qui se relancent combinées avec les tambours de basque créent une tension coupée merveilleusement par la mélodie accrocheuse. Un succès instantané.
Feral
Suit alors ce qui est probablement la moins accessible des chansons de l’album. Les synthétiseurs et la voix de Thom York font beaucoup penser à Pulk/Pull Revolving Doors. La basse est encore une fois très intéressante et perce bien à travers le barrage de sons. C’est en quelque sorte la transition vers la phase plus calme de The King Of Limbs.
Lotus Flower
Premier extrait du disque, la signature de cette chanson est sans contredit la progression de la mélodie vocale, exécutée à la perfection. Elle semble disparate et sans direction lors des premières écoutes, mais devient rapidement un porte étendard de l’étendu du talent que possède Radiohead. Probablement leur meilleure chanson depuis Idioteque.
Codex
De loin la pièce la plus triste, une lueur d’espoir demeure présente dans la mélodie fragile du piano, avec laquelle la guitare se fusionne pour créer un effet unique. Les cuivres refont surface brièvement et ajoutent un air de triomphe. Le tout se retrouve donc quelque part entre Street Spirit et Videotape; de la bonne compagnie à avoir.
Give Up The Ghost
Le groupe décide de sortir la guitare sèche à l’avant-plan pour la première fois depuis des lunes. Quand la chanson débute, on a l’impression de se retrouver dans The Bends, mais les choses reviennent vite vers le 21ième siècle. La plus faible offrande de l’album, il y a un certain manque de texture et le tout semble juste boiter vers une finale banale; un peu comme House of Cards.
Seperator
Chanson qui sert de message pour les choses à venir? Thom York chante avec aplomb « if you think this is over, you’re wrong » et le titre laisse suggérer que la pièce sert à séparer des moitiés; deux vinyles ou un deuxième disque comme In Rainbows. L’ambiance est décontractée et la guitare électrique intervient à son aise. Une belle finale en douceur pour un album bien trop court.
Commentaires généraux :
Dire que The King Of Limbs n’est pas le meilleur album de Radiohead est comme dire qu’on a mangé un des moins bons plats d’un restaurant cinq étoiles. Lorsque l’inévitable deuxième moitié de l’album sera dévoilée, une idée plus juste de l’œuvre pourra être portée, mais pour l’instant, nous n’avons gouté qu’à l’entrée.
Sélections écoute :
Little By Little
Lotus Flower
Codex
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