Critique album | Yes – Heaven & Earth
Les déboires du groupe progressif Yes au cours des dernières années sont relativement bien connus : le groupe a mis à la porte son chanteur et co-fondateur Jon Anderson en 2008 alors que celui-ci souffrait de graves problèmes respiratoires, pour le remplacer par le québécois Benoit David, avec lequel fut enregistré l’album Fly From Here en 2011. Puis, David fut remplacé à son tour après être tombé malade, et c’est l’américain Jon Davison, du groupe Glass Hammer, qui occupe depuis le poste de chanteur. Heaven & Earth est le premier album du groupe avec Davison, deux ans après son insertion au sein de la formation.
Réalisé par Roy Thomas Baker (The Cars, Foreigner, Cheap Trick), qui avait brièvement travaillé avec Yes en 1979 dans le but de produire un album qui n’a jamais vu le jour, Heaven & Earth se démarque du précédent Fly From Here en n’offrant pas de longues pièces épiques, mais plutôt des chansons qui font en moyenne 6 ou 7 minutes et qui sont relativement simples dans leur structure.
Alors que Benoit David n’avait rien écrit pour le précédent album, le nouveau chanteur, Jon Davison, a coécrit la plupart des titres avec ses vétérans collègues, notamment le guitariste Steve Howe et le bassiste Chris Squire (qui, pour l’anecdote, est le seul membre de Yes à avoir été de toutes les incarnations du groupe depuis ses débuts). Son sens de la mélodie est très fort : difficile de ne pas fredonner ces airs après 2 ou 3 écoutes.
La voix de Davison ressemble à s’y méprendre à celle de Jon Anderson, celui-ci demeurant la référence lorsqu’il est question de Yes – et le chanteur préféré des fans du groupe. Ce nouvel album, d’ailleurs, divise énormément la communauté yessienne. Plusieurs y voient un blasphème et un faux pas dans l’œuvre du groupe, tandis que d’autres préfèrent donner sa chance au jeune chanteur.
Si Believe Again est un titre accrocheur et joyeux, que The Game s’avère particulièrement entraînante ou que Subway Walls, coécrite par Davison et le claviériste Geoff Downes, présente quelques éléments de « prog », ce disque fait bien pâle figure face à Fly From Here et encore plus face aux albums classiques de Yes.
On est loin ici des prouesses techniques et passages de virtuoses : Steve Howe propose des solos plus paresseux les uns que les autres, et le batteur Alan White est totalement sur le pilote automatique. Ce n’est ni inspiré, ni intéressant, et ce n’est certainement pas du Yes. Step Beyond est une chanson beaucoup trop juvénile pour un groupe composé majoritairement d’hommes matures, et In A World Of Our Own aurait davantage sa place sur un disque de Toto qu’un album de Yes.
Rien ici ne fait honneur au passé avant-gardiste du groupe, et la performance de Davison au chant, bien qu’honnête, laisse l’impression d’une mauvaise imitation. Et que dire de ses textes? C’est du sous-Yes, du sous-Jon Anderson. Ça souffre d’un grand manque d’inspiration, c’est maladroit, et souvent risible.
Heaven & Earth ne déçoit pas complètement, car on se surprend au fil des écoutes à fredonner les chansons et on y revient, on le refait jouer, et on se demande pourquoi on le réécoute. Le disque possède un certain charme indéniable et mystérieux. Mais ce n’est pas du Yes, ce n’est certainement pas du rock progressif, et c’est une musique qui n’existe pour aucune raison valable.
Si un autre nom que celui de Yes se trouvait sur la pochette (dessinée par Roger Dean, bien sûr), la pilule passerait peut-être mieux, mais le disque serait alors totalement ignoré du public et de la critique. Et ce ne serait pas une énorme perte.
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- Yes
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