Critique album | The Decemberists – What A Terrible World, What A Beautiful World
Plusieurs vont déplorer – et ils le font déjà – le changement de direction que prend The Decemberists sur son dernier album, What A Terrible World, What A Beautiful World. Et on parle surtout ici d’une certaine « facilité », un relâchement par rapport au style plus complexe auquel le groupe a habitué ses amateurs depuis ses débuts.
Mais c’est en plein cela qui nous charme sur cet album. La simplicité des arrangements, la légèreté de l’ensemble. Colin Meloy et sa troupe ont toujours donné une impression de troubadours modernes, et ça se confirme à chaque nouvel album. Et c’est fichtrement bon!
Le groupe revient avec un disque qui, sans tout à fait reprendre là où son prédécesseur, The King is Dead, nous avait laissé (avec son folk traditionnel), offre le même esprit décontracté et une grande simplicité au niveau des arrangements. Par contre, les chansons diffèrent beaucoup les unes des autres, se promenant allègrement d’un genre à l’autre.
Le ton est annoncé dès le départ, dans la pièce The Singer Adresses His Audience, où le narrateur affirme qu’« il nous fallait changer ». Tout au long du disque, Meloy garde ses textes très près de sa propre personne, plongeant davantage dans les sujets personnels qu’auparavant. On est loin ici des thématiques littéraires des débuts, et de la complexité musicale « prog rock » qui les accompagnaient.
Sur Philomena, le groupe donne dans une sorte de doo-wop très fifties, alors que Meloy chante une histoire d’amour tournant autour du sexe oral. C’est accrocheur, drôle, et on ne peut se la sortir de la tête.
Dans le domaine des chansons qui font taper du pied, Anti-Summersong (un renvoi direct à la chanson Summersong de l’album The Crane Wife) ne donne pas sa place. Même chose pour Better Not Wake The Baby, qui pourrait quasiment être une chanson traditionnelle américaine.
La sublime Mistral évoque l’univers musical de The Band et Neil Young, ce vieux rock plein de soul qui régnait dans la première moitié des années 70. C’est touchant, enlevant, et on imagine facilement cette chanson devenir un classique en concert.
Un autre moment fort du disque est la jolie Till The Water Is All Gone, avec ses touches dosées de Mellotron, la batterie sensible et sa guitare acoustique. La voix de Meloy y est d’une douceur exquise.
Et puis il y a la chanson 12-17-12, de laquelle le titre de l’album est tiré. Une discrète ballade qui puise son inspiration dans le discours prononcé par Barack Obama à la suite de la tuerie de Newton en 2012. Le texte est d’une grande beauté, et est appuyé par une mélodie simple interprétée à la guitare acoustique, la batterie et l’harmonica. Ici, le groupe fait preuve d’une immense maturité.
Et c’est ainsi que l’on devrait considérer ce disque : comme une œuvre mature. C’est le fruit du travail d’un groupe de musiciens qui ont des choses intéressantes à raconter, beaucoup de vécu, et des références musicales très diverses.
Simplicité n’égale pas médiocrité. Si certains regrettent le côté plus « farfelu » de la formation, force est d’admettre que The Decemberists crée ici une œuvre d’une grande beauté, un album sensible et passionné qui s’écoute en boucle sans qu’on s’en lasse. Sans aucun doute l’un des premiers grands disques de l’année 2015.
- Artiste(s)
- The Decemberists
- Catégorie(s)
- Folk, Indie Rock, Rock,
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