Critique album | Mordicus – Cri Primal
Mordicus, le groupe Saguenéen qui, à ses débuts, interprétait des compositions en anglais en s’inspirant des grands noms de la British Invasion, s’est transformé avec le temps en un ensemble rock francophone qui a modernisé sa musique, sans toutefois renier ses influences. Cri Primal, son premier vrai album tout en français, nous arrive donc comme une dose de rock sauvage bienvenue dans le paysage sonore actuel, mais ne convainc pas tout à fait.
Point positif, le jeu de guitare de Max Desrosiers – ainsi que de Pascal Beaulieu — est remarquable. Aidé de Ryan Battistuzzi à la réalisation, qui donne le souffle nécessaire aux chansons, Mordicus sait rocker et émouvoir – du moins sur le plan musical. Qu’il s’agisse de l’inventivité du jeu dans Le Roi Soleil, ou l’intensité du solo dans Lève le son, qui incite justement à… lever le son, Desrosiers et sa bande connaissent ce genre musical de fond en comble et le maîtrisent totalement.
Ça s’entend également dans le travail de Christian Schroeder qui est toujours bien dosé, inventif, et même parfois trop discret. On en prendrait davantage. On perçoit des touches de Mellotron ici, du piano là, et autres claviers, tous superbement joués.
Mordicus au complet accomplît un travail musical remarquable, Martin Moe et Luc Gagné formant quant à eux une section rythmique qui incite aux déhanchements et injecte une énergie folle aux chansons.
Par contre, on reprochera au chant de Desrosiers de manquer d’émotions. Sans grandes nuances, son interprétation devient parfois carrément monotone. C’est le cas entre autres sur le premier extrait radio de l’album, Oh Maman, et cela nuit en quelque sorte aux chansons, auxquelles on arrive difficilement à connecter sur le plan émotif.
Une autre lacune est la question des textes qui, souvent, font grimacer, comme en témoignent les premières lignes de Taj Mahal (Nulle part ailleurs) : « Si j’avais choisi un autre chemin / Jamais croisé le tien / Serions-nous ici ou ailleurs? » Plutôt simpliste.
Ça ne se démarque jamais réellement. Les grands compositeurs qui ont influencé Mordicus s’étaient tous forgé une identité propre, qu’il s’agisse des questionnements existentiels de Townshend, la poésie de la classe ouvrière de Ray Davies ou la sexualité dégoulinante de Jagger/Richards. C’est ce genre d’originalité qui fait défaut à Mordicus.
Le problème réside principalement dans le fait que Mordicus semble prisonnier de ses références, sans vraiment amener quelque chose de nouveau. Par exemple, le groupe joue dans les plates-bandes de Dr. John sur Tant qu’à y être sans jamais aller au-delà du clin d’œil ou de l’hommage – et malgré cela il s’agit d’un moment fort de l’album, un « swamp rock » sur lequel on retrouve un chœur composé de Lisa Leblanc, Isabelle Dowd et Francis Rose, et l’harmonica de Colin Moore.
Cri Primal ne sort jamais des chemins déjà empruntés. Et alors que Mordicus nous parle de psychédélisme, de hooligans ou du susmentionné Taj Mahal, images maintes fois utilisées chez les groupes qui les ont influencés, on cherche l’authenticité dans les textes – le vrai, le sincère, ce quelque chose qui ferait accéder le groupe à un niveau supérieur.
Les guitares sont bien pesantes, c’est énergique, enflammé, c’est même très réussi dans le genre « bon vieux rock », mais on reste quelque peu sur notre faim.
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