Critique album | Eugène et le Cheval – Pertes de mémoire et autres mécanismes de défense

Eugène et le cheval - Pertes de mémoire et autres mécanismes de défense Eugène et le cheval Pertes de mémoire et autres mécanismes de défense

Le groupe indie rock francophone Eugène et le Cheval est de retour avec un deuxième album plus malin qu’il en a l’air à la première écoute…

Le duo de Pierre-Paul Giroux et Philippe St-Denis s’est adjoint de Guillaume Alix et Maxime St-Denis pour ce nouveau disque, apparemment composé et enregistré en même temps, et sur lequel tous y jouent un peu de tout. Le très doué (et joliment barbu) batteur José Major vient également y battre la cadence.

Les jeunes hommes ont un intérêt évident pour le rock alternatif des années 1990 et les synthés des années 1980. Ils affectionnent l’esthétique lo-fi, et le résultat, plus abouti que le précédent Plantes carnivores et autres mécanismes de défense, rappelle un peu ce que font L’Indice et Carl-Éric Hudon, ainsi que cette constellation d’artistes qui virevoltent autour de Navet Confit. Pourtant, il n’en est rien.

 

Fausse nonchalance

Pertes de mémoire est un album de faux-semblants : on y cultive un son qui paraît négligé ou bâclé, même s’il ne l’est pas du tout. On navigue dans l’imperfection, loin du son léché.

Les textes tantôt murmurés de façon à peine audible, tantôt chantés de façon laconique, ne sautent pas aux tympas, se laissant apprivoiser que par l’auditeur attentif. La voix n’étant jamais vraiment mise en évidence au mixage, on sent que le groupe se garde une petite gêne, comme un aura de mystère.

Mais une fois qu’Eugène et le Cheval a puisé les compositions dans l’inconscient, dans l’immédiateté sans trop y penser, les arrangements eux sont très calculés quand on s’y arrête. Certaines chansons sont très dépouillées, d’autres plus abouties, plus denses. Il y règne une belle variété, tout de même cohérente. Ça prend la forme d’un bouquet de chansons pop, mais la bande s’amuse à tordre le cadre de ce format.

Le mixage n’est pas laissé au hasard non plus : Guillaume Chartrain sait ce qu’il fait, et travaille dans le même sens que le groupe.

Certains de ces éléments peuvent agacer :  les compositions qui n’explosent jamais, et la voix qui manque de vigueur et de justesse. Mais tout cela sert le propos : travailler sur l’étrangeté subtile qui se cache dans un contexte ultra-réaliste.

Le nom du groupe fait référence à Ionesco, dramaturge français étroitement lié au mouvement du Théâtre de l’absurde. On ne parle pas ici d’absurde au sens humoristique de la chose, mais plutôt du bizarre, de l’étrange, du surréaliste. De l’espace-temps flou par ci (sur Foam notamment), des détails du quotidien qui sortent de l’ordinaire d’étrange façon par là. C’est tout en subtilité, comme un film d’André Forcier ou de Stéphane Lafleur.

Par conséquent, Pertes de mémoire et autres mécanismes de défense n’est pas nécessairement le genre d’album voué à plaire à un public très large, friand de musique facilement consommée. C’est de la pop rock un peu farouche, qui réserve ses plus beaux atouts à ceux qui s’y donneront la peine.

* Écoutez la chronique de notre rédacteur en chef (en compagnie de Steve Marcoux) au sujet du nouvel album d’Eugène et le Cheval à l’émission Les Oranges Pressées, sur les ondes de CIBL 101,5 Montréal.

* Écoute à l’aveugle de notre rédacteur en chef (en compagnie de Steve Marcoux) d’un extrait du nouveau Eugène et le Cheval, commenté à chaud à l’émission Franco Phil, sur les ondes de CIBL 101,5 Montréal.

* L’extrait Invicible fait l’objet d’un joli vidéoclip de danse contemporaine réalisé par Olivier Lambert-Rouillard.

 

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