Critique album | Earl Sweatshirt – Doris
L’enfant prodige de la troupe Odd Future revient de loin (d’un séjour forcé dans une école pour jeunes à problèmes en plein cœur des Samoas, pour être plus précis) et largue Doris, le successeur de l’acclamé EARL. Les attentes étaient immenses, le résultat l’est itou.
En fait il ne l’est pas en tout point, mais certaines caractéristiques en font une œuvre particulièrement marquante, du moins au sein de la scène hip hop internationale actuelle.
D’un, le gars a 19 ans. De ce simple fait, dans une industrie où les figures de proue sont quarantenaires, nouvellement papa et roulent en Maybach beige, Mr. Sweatshirt fait office de rafraîchissement. Une bière frette sur une table pleine de tisanes.
Mais la contemporanéité seule ne fait pas le mérite d’un artiste. Ce qui élève Earl au-dessus de la masse, et surtout bien au-dessus de tous ses compères d’OFWGKTA, c’est son don pour le maniement du verbe, cette façon de jouer avec les syllabes qu’il a et qui avait avant lui fait la renommée du rap. La première minute de Hive, exemple, suffit pour comprendre que le jeune homme a déjà usé plus d’un stylo. En ceci, l’influence qu’ont eu des rappeurs comme Eminem sur cette génération est indéniable.
D’ailleurs, à titre informatif, Tyler the Creator et Slim Shady semblent copains-copains.
Autre facette qui démarque Doris de la portée hip-hop de 2013 en les thèmes que l’album survole. Plutôt que de faire l’éloge d’être jeune, riche et riche, Earl y va d’introspections dignes de la pire des crises d’adolescence. Il nous rappelle qu’on n’est pas toujours au sommet du monde à cet âge-là, surtout quand on n’a pas de père et que notre mère nous a envoyé en pensionnat à l’autre bout du monde. Ce n’est pas joyeux, peu importe l’argent de poche qu’on reçoit, semble-t-il.
À la longue, par contre, cet étalage de problèmes personnels en devient presque de l’apitoiement. Et écouter l’album au complet, dans la température automnale, c’est l’équivalent de s’injecter une dépression directe dans l’avant-bras.
Surtout que la production est sombre et lente, marque de commerce d’Odd Future.
Chum, le premier extrait, donnait déjà le ton de ce qui était à venir, avec des « Been back for a week and I already feel like calling it quits » et autres affirmations pas tant boute-en-train. Le superbe vidéo n’était pas non plus des plus enjoués.
N’en reste pas moins qu’Earl Sweatshirt tient quelque chose de spécial et que Doris et le succès qu’il obtient marquent peut-être le début d’un regain d’intérêt pour un rap plus axé sur le contenu et l’acrobatie verbale que sur le nombre de tatouages faciaux que possède un gars qui rime à propos de sa queue.
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- Earl Sweatshirt
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