Canailles

Critique album | Canailles – Ronds-points

Canailles - Ronds-points Canailles Ronds-points

C’est avec un album plus féroce, délirant et abouti que les huit joyeux lurons de Canailles nous reviennent. Ronds-Points, ce n’est peut-être pas encore l’album de la maturité [pour l’anecdote, le groupe a pensé intituler son disque « L’album de la maturité » pour se moquer des journalistes musicaux], mais c’est celui qui confirme que la formation montréalaise n’a rien d’un feu de paille.

On retrouve donc ce qui faisait le charme de Manger du Bois en 2012 – le même folk trash/cajun/country, le banjo, la guitare, la mandoline et la planche à laver, ainsi que les chœurs, les rythmes endiablés, les textes très colorés (et parfois un peu louches), le tout accompagné de la voix unique de Daphné Brissette.

On sent que leur poésie fut davantage travaillée, tout en demeurant au niveau du quotidien — un quotidien sale de lendemain de veille, peuplé de bouteilles de bière vides et de « butchs » de cigarettes…

Si parfois c’est puéril, même quand ça fait sourire (voir la ligne sur le pet sauce dans la pièce Mon chien est mort), à d’autres moments c’est carrément beau. Et ce sont surtout les rares chansons interprétées par Alice Tougas St-Jak (par ailleurs accordéoniste et pianiste du groupe) qui ressortent du lot en ce sens, présentant une plus grande sensibilité, voire une innocence, que l’on ne retrouve pas ailleurs sur le disque (Marathon).

Mais c’est Daphné Brissette qui mène le navire. Avec sa voix éraillée, la chanteuse fait état d’un quotidien de petite misère, où le découragement et la rêverie se côtoient. Si elle met le monde au défi d’essayer de la jeter à terre dans Titanic, c’est plutôt avec le vague à l’âme qu’elle chante Berceuse pour les plantes. Et bien que sa voix hors du commun soit limitée au niveau des émotions, l’énergie brute qui s’en dégage ne saurait mieux convenir à ce type de musique.

La bande s’amuse follement sur Fromage, une pièce épique de 10 minutes à propos de déceptions noyées dans le houblon qui ne cesse d’augmenter en intensité musicale, nous menant vers une finale délirante, et qui risque d’être un moment fort en spectacle. Excellent travail au violon de la part de l’invité Guillaume Duchesneau.

Le groupe fait appel à quelques autres invités, tels que Jérôme Dupuis-Cloutier, Benoît Paradis et Charles Papasoff aux cuivres sur Les Grands Élans, ainsi que Jimmy Hunt à l’harmonica sur la superbe Poisson d’avril, son jeu évoquant un peu la musique de Morricone. Cette ballade acoustique voit le chanteur Erik Evans offrir sa meilleure performance vocale à date.

Evans possède un ton de voix agréable qui invite à sympathiser avec lui, peu importe ce qu’il chante, comme sur l’amusante Cœur de Gawa, où il décrit le genre de femme dont il a besoin.

Ronds-Points confirme le statut de Canailles dans le paysage musical québécois comme groupe de party par excellence, et si les textes frôlent parfois l’infantilisme, on retrouve tout au long de ce disque des images très colorées qui ne laisseront personne indifférent, et surtout une musique festive totalement irrésistible.

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