Critique album | Bryce Dessner et Jonny Greenwood – St. Carolyn by the Sea/Suite from There Will Be Blood

Bryce Dessner & Jonny Greenwood - St. Carolyn by the Sea/Suite From There Will Be Blood Bryce Dessner & Jonny Greenwood St. Carolyn by the Sea/Suite From There Will Be Blood

Bryce Dessner (guitariste de The National) et Jonny Greenwood (guitariste du groupe légendaire Radiohead) sont deux musiciens réputés de la scène rock. Cette fois-ci, les deux artistes partagent la vedette sur St. Carolyn by the Sea/Suite From There Will Be Blood : une parution conjointe faisant état de leur talent en composition de musique classique moderne.

D’emblée, il est important de noter que les deux musiciens ont travaillé séparément et qu’aucun nouveau matériel ne figure sur ce disque. D’un côté, St. Carolyn by the Sea de Bryce Dessner, merveilleusement interprété par l’Orchestre Philharmonic de Copenhague sous la direction d’André de Ridder, propose trois compositions de plus de dix minutes chacune.  La première, St. Carolyn by the Sea, fut composée par Bryce et son frère Aaron Dessner (guitare électrique) en 2011. La deuxième, Lachrimae, fut composée en 2012 alors que Raphael fut composée en 2007. Toutefois, aucune de ces compositions ne semblent avoir fait l’objet d’une parution avant aujourd’hui.

De l’autre côté, Suite From There Will Be Blood de Jonny Greenwood, est composé de six pièces issues de la trame-sonore du remarquable film de Paul Thomas Anderson. Ladite trame-sonore est paru en 2007 sous l’étiquette new yorkaise Nonesuch Records. D’ailleurs, St. Carolyn by the Sea/Suite From There Will Be Blood paraît sous l’étiquette allemande Deutsche Grammophon en Europe et sous Universal Classics en Amérique.

D’ailleurs, tout ça inspire quelques questions. La première : Pourquoi avoir opté pour une parution conjointe alors que la durée des trois compositions de Dessner représente celle d’un long-jeu? Pourquoi Deutsche Grammophon et Universal Classics ont-ils décidé d’offrir une seconde parution à la musique de There Will Be Blood? Pourquoi avoir jumelé Bryce Dessner à Jonny Greenwood?

Alors qu’il semble difficile de trouver de bonnes raisons pour répondre aux deux premières questions, la troisième question semble plus facile. Peut-être que Deutsche Grammophon et Universal Classics voyaient en cette parution conjointe l’occasion de souligner et de promouvoir le talent de deux artistes rock moins connus dans le milieu de la musique classique. Après tout, n’est-ce pas une bonne idée?

En avant la musique

« La célébration de la prise de risques que l’on retrouve en musique classique m’a attiré vers elle. » -Bryce Dessner

Cette citation représente bien St. Carolyn by the Sea.  Il s’agit d’une œuvre classique résolument moderne tant dans l’acte compositionnel que dans les arrangements. D’ailleurs, outre les instruments que l’on retrouve habituellement dans un orchestre (violon, violoncelle, percussions, cuivres, etc.) l’œuvre de Bryce Dessner incorpore habilement le son clair de la guitare électrique (St. Carolyn by the Sea et Raphael). Cette dernière ainsi que certains passages dissonants contribuent à insuffler une contemporanéité à l’œuvre.

À l’écoute de St. Carolyn by the Sea, il est indéniable que Bryce Dessner possède un grand talent pour jouer avec les textures et les nuances. Cette œuvre est à la fois sophistiquée, grandiose et raffinée. Bryce Dessner se positionne comme étant l’un des rares musiciens rock pouvant se targuer d’exceller aussi dans l’univers de la musique classique. Cela dit, Jonny Greenwood en est un autre qui connait du succès dans les deux univers.

Si l’on fait abstraction du fait que les amateurs de musique n’ont pas la chance de se mettre quelque chose de nouveau dans les oreilles, Suite From There Will Be Blood est tout de même une œuvre de grande qualité qui pourrait plaire à ceux et celles qui n’ont pas eu la chance d’écouter la remarquable trame-sonore du film de 2007.

Contrairement à l’œuvre de Bryce Dessner, Suite From There Will Be Blood n’est constitué que d’instruments existants à la fin des années 1800, car Jonny Greenwood tenait à ce que les instruments choisis puissent refléter le mieux possible l’histoire qu’ils accompagnent.

Ainsi, la musique de Jonny Greenwood est dominée par les instruments à cordes (violon et violoncelle), les percussions et les instruments à vent. On connaissait déjà l’excellent sens du rythme du musicien. Toutefois, on ne savait pas exactement comment il allait être transposé dans le paysage de la musique classique.

Dès la première écoute de la moderne Suite From There Will Be Blood, l’auditeur est soufflé par la puissante Future Markets. Dans cette composition, les violonistes font une utilisation costaude de la technique du pizzicato. Superbe. Cela dit, de manière générale, les six compositions misent sur de longues notes lancinantes qui arrivent parfois à avoir un pouvoir hypnotisant.

Enfin, les amateurs inconditionnels de Bryce Dessner devraient certainement tendre l’oreille à St. Carolyn by the Sea. Quant aux fans de Jonny Greenwood, ceux-ci devraient plutôt mettre la main sur la trame-sonore originale de There Will Be Blood.

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