Corps mort (de Martin Messier) à La Chapelle | Des chaises qui dansent

Qui a dit qu’une chaise devait servir à s’asseoir? Fidèle à sa longue expérience chorégraphique qui explore (et dénature) les rapports entre l’humain et l’objet, le son sous de multiples formes, le mouvant et l’inerte, le chorégraphe Martin Messier réussit cette fois avec Corps mort à faire danser des chaises, littéralement.

La scène et les trois murs du Théâtre La Chapelle sont tout en noir, sauf pour huit chaises juchées au plafond, reliées au sol par un astucieux système de câbles et de poulies qui donne à l’ensemble autrement vide un sentiment bizarre de présence surnaturelle.

Malgré une ouverture longuette où les trois danseurs se tiennent debout sans bouger, dépourvus en plus d’apport musical, on se laissera néanmoins vite prendre au jeu. Le vocabulaire chorégraphique peu développé du début, se densifie à mesure que le spectacle, entre danse et performance, se complexifie.

En jeans et pieds nus, les trois danseurs n’entreront jamais en contact. C’est ainsi que l’a voulu le concepteur et metteur en scène Martin Messier, comme pour mieux les tester en les traitant isolément. Kimberley De Jong se distingue, non seulement par son aisance mais aussi parce qu’elle rassemble davantage que ses acolytes, Patrick Lamothe et Simon-Xavier Lefebvre, les qualités fragiles d’un danseur qui s’offre à la scène dans un cadre sacrificiel.

Ici, le jeu de la chaise musicale prend un tout autre sens. À un certain moment, pour un long numéro absolument saisissant exécuté sans aucun danseur, ce sont quatre chaises qui dansent sous nos yeux, non seulement grâce au jeu savant des câbles, mais aussi par les sons amplifiés que leurs mouvements, en apparence désordonnés, procurent.

Corps mort se démarque aussi grandement par la conception des éclairages de Jean-François Piché, à laquelle Martin Messier a aussi participé de près, comme à la musique originale, d’ailleurs. La lumière, souvent syncopée, qui se reflète sur les câbles blancs suspendus dans les airs, émane de partout, même du dessous des gradins où les spectateurs restent captivés pendant la petite heure que dure la performance.

Martin Messier, avec sa compagnie 14 lieux fondée en 2010, a le plus souvent su avec adresse magnifier le pouvoir des objets, en détournant leur usage au quotidien, au profit du concept sonore donnant le geste artistique le plus épuré possible. Que ce soit avec La chambre des machines, Hit and Fall ou encore Derrière le rideau (présentés dans une vingtaine de pays), toujours il a su étonner et ravir. Son Corps mort est tout ce qu’il y a de plus vivant.

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