Chronologies au CTD’A | Un récit de vie bouleversant

Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui débute la pièce Chronologies de l’autrice et comédienne Stephie Mazunya, en collaboration avec UBU compagnie de création. Ce récit fragmenté met au jour les cicatrices invisibles des souffrances transmises par les générations déchirées par la guerre.  Histoire bouleversante d’une enfant sans pays et sans parents, bien que ceux-ci soient bien vivants.

Deux écrans géants traversent le haut de l’espace scénique, laissant deux cases distincte dans le bas. À gauche, un appartement modeste et à droite, une douche de lumière et un tabouret. Trois femmes racontent tour à tour des bribes de récit : une vit au Burundi, une a immigré au Canada et retourne enterrer sa mère au Burundi, l’autre, sur l’écran, rejoint les deux autres histoires.

L’heure et vingt minutes s’écoulent au rythme des monologues des trois femmes, dans un statisme presque complet, excepté des images sur l’écran qui dynamisent et hypnotisent tout à la fois. On y voit l’autoroute 520 vers l’aéroport de Montréal, puis une arrivée dans un aéroport au Burundi ou au Rwanda. Mazunya déambule dans les rues d’un petit village, à la fois touriste et de retour chez elle.  Cette dichotomie est au coeur de ce récit, où l’autrice se questionne sur sa place dans le monde et son identité.

Envoyée à 14 ans seule au Canada, elle porte depuis toujours les fantômes du génocide au Rwanda qui a poussé sa mère à l’éloigner de sa famille pour « lui sauver la vie ». Mais à cette mère qui l’a abandonné, Stephie Mazunya a inventé des excuses théâtrales et une réconciliation métaphorique, afin de peut-être pardonner et se convaincre que pour une fois, elles on été heureuses.

Sans vendre de punch, c’est seulement deux actrices qui se partagent la scène, et on comprend à la fin. Stephie Mazunya est lumineuse, fébrile et émouvante, tandis que Parfaite Moussouanga incarne la mère endurcie par les décisions impossibles qu’elle a dû prendre pour ses enfants. Le personnage est dur et froid, et l’actrice est poignante de vérité. La langue de l’autrice est poétique et saccadée, coulant au gré des chants traditionnels burundais. Chronologies repasse avec douceur les moments phares d’une famille séparées par l’horreur. Cette quête de sens et d’amour reste universel, bien que les histoires d’immigration portent tant de souffrances que ceux qui ne l’ont pas vécu ne peuvent que commencer à comprendre.

* photo par Valérie Remise.

Crédits

Texte : Stephie Mazunya
Mise en scène : Stéphanie Jasmin avec l’assistance de Martin Émond
Interprétation : Stephie Mazunya, Parfaite Moussouanga