Chronique de fan | David Gilmour au Madison Square Garden : Ce genre de soirée qui marque une vie
Je ne suis pas religieux. On peut dire que je suis un peu croyant, par contre. J’ai foi en un seul homme sur Terre. Cet homme s’appelle David Gilmour.
Je suis né en 2003. Je n’ai jamais eu la chance de connaître Pink Floyd sous son meilleur jour. Enfin, si, en albums, mais 40 ans plus tard. Vous me comprenez. J’ai progressivement fait une croix sur l’idée de voir un jour mon gourou en concert, le voyant se rapprocher d’année en année d’une retraite bien méritée.
Jusqu’à ce que je reçoive un message de mon père en mai dernier.
« Prépare ton baluchon, me dit-il. Nous partons pour New York. »
Comme une éclipse
Quatre villes. Seulement. Rome, Londres, Los Angeles et New York composent les seules et uniques destinations de ce qui s’apparente à l’ultime tournée de David Gilmour, en appui à son excellent album Luck and Strange lancé en septembre. Alors que (le très détestable) Roger Waters enchaîne sans relâche les tournées depuis 25 ans, son homologue floydien, lui, préfère une approche sobre et exceptionnelle. Une première tournée en huit ans pour une vingtaine de dates à peine. Des concerts aussi rares qu’une étoile filante. Aussi rares qu’une éclipse, plutôt, pardon.
Me voilà posé sur un siège du Madison Square Garden, quelques minutes avant que mon gourou ne sorte de sa loge. Je ne sais trop comment décrire mon état. Tout ça me semble irréel. Pink Floyd est mon groupe préféré depuis l’âge de 12 ans (et il le restera jusqu’à ma mort, très probablement). Ma vie a complètement basculé depuis que j’ai entendu pour la première fois The Dark Side of the Moon. Sans exagérer. Voilà donc mon histoire, moi qui suis assis dans la section 104, sur le siège 2 de la rangée 10. Mais près de 20 000 places ont trouvé preneur ce soir, et chaque personne présente dans la salle entretient une romance particulière avec Pink Floyd, toutes plus belles les unes des autres.
Je déterre mon deuil, celui de ne jamais voir David Gilmour sur scène.
Trois minutes, deux minutes, une minute.
C’est maintenant, Sami.
La guitare qui transperce l’âme
Quelques notes s’échappent de l’obscurité de la salle. Une lumière baigne doucement Gilmour dans des teintes de rouge, seul à la guitare acoustique pour cette sublime ouverture combinant 5 A.M. et Black Cat. C’est juste, délicat, précis. Le reste des musiciens se dévoile sur la pièce-titre de Luck and Strange, et un visage, autre que celui de David Gilmour, se détache particulièrement de la scène. Romany Gilmour, 22 ans, accompagne son père en tournée et en album. C’est d’ailleurs elle qui chantera entièrement Between Two Points, certainement la meilleure chanson du dernier cru signé par le paternel.
C’est drôle, David Gilmour, aujourd’hui, disons qu’il ne paie pas de mine. Petit ventre, peu de cheveux, vêtu de noir de la tête au pied. L’homme a une apparence plutôt anonyme, enfin. Mais dès qu’il pose ses doigts sur les frettes de sa guitare, dès qu’il chatouille les six cordes de son instrument… La salle lui appartient, à lui seul, nous ne pouvons qu’écouter religieusement ses envolées en essayant de ne pas manquer une miette de son œuvre titanesque.
Un gourou, je vous dis, et nous ne sommes que ses disciples.
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Généreux
En deux parties entrecoupées d’un entracte, David Gilmour interprétera 23 chansons pour un spectacle frôlant les trois heures. Pour un vieux bonhomme de 78 ans, c’est une durée absolument sensationnelle. Gilmour alterne, avec une harmonie parfaite, entre les indémodables de Pink Floyd et son matériel en solo. La setlist dévoile un goût très marqué pour les morceaux de Pink Floyd composés après le départ de Roger Waters (High Hopes, A Great Day for Freedom, Marooned). Une seule rescapée de la période pré-DSOTM, Fat Old Sun, viendra se faire entendre pendant la soirée.
Impossible de ne pas écrire sur les éclairages, l’une des pièces-maîtresses du spectacle alors que des lasers commenceront à sublimer cette musique déjà parfaite au début de la deuxième partie, à partir de l’imposante Sorrow. S’il y a bien un seul aspect du concert qui nous a invités à détacher les yeux de David Gilmour, c’est celui-là.
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C’est mon père qui m’a fait découvrir Pink Floyd. Comme une volée d’autres groupes de l’époque. Mais j’ai toujours eu un faible pour ces quatre Anglais-là. On est assis l’un à côté de l’autre, on écoute. On n’échange pas énormément pendant la soirée, mais c’est comme si nous nous comprenions quand même. Il y a simplement des manières plus fortes de se parler qu’avec les mots.
David Gilmour termine le deuxième segment de son spectacle avec Scattered, mais revient interpréter en rappel une grande absente de The Wall.
Aucun paragraphe sur Terre ne saurait rendre justice à ce que le public du Madison Square Garden a vécu pendant le deuxième solo de Comfortably Numb. Je m’essaie quand même : imaginez qu’on vous dise « je t’aime », ajoutez à cela la dégustation de votre plat préféré, ajoutez encore à cela la victoire de votre équipe sportive fétiche et, pour clore le tout, saupoudrez ce cocktail vitaminé dopaminé d’une contemplation d’étoiles lors une chaude nuit d’été. Tout ça en même temps. Multiplié par mille. Doublez-le encore, au cas où.
Nous sommes le 5 novembre, et la moitié de l’Amérique pleure (avec raison). Moi aussi, je pleure, mais de joie.
Dieu est devant moi, j’en suis fermement convaincu.
Bon, c’est clair maintenant, il faut l’assumer. Je suis croyant.
Grille de chansons
Première partie
- 5 A.M.
- Black Cat
- Luck and Strange
- Speak to Me
- Breathe (In the Air)
- Time
- Breathe (In the Air) (reprise)
- Fat Old Sun
- Marooned
- A Single Spark
- Wish You Were Here
- Vita Brevis
- Between Two Points
- High Hopes
Deuxième partie
- Sorrow
- The Piper’s Call
- A Great Day for Freedom
- In Any Tongue
- The Great Gig in the Sky
- A Boat Lies Waiting
- Coming Back to Life
- Dark and Velvet Nights
- Sings
- Scattered
Rappel
- Comfortably Numb
- Artiste(s)
- David Gilmour, Pink Floyd
- Ville(s)
- New York
- Salle(s)
- Madison Square Garden
- Catégorie(s)
- Progressif, Rock,
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