
Billy Corgan and The Machines of God au Théâtre Beanfield │ Odyssée intemporelle et retour aux sources
Le nouveau projet solo du géant Billy Corgan, hommage éphémère au légendaire groupe de rock alternatif The Smashing Pumpkins, aurait pu remplir la Place Bell le 13 juin 2025 dernier, mais avait choisi l’intimité du Théâtre Beanfield pour présenter la tournée A Return to Zero, une vibrante célébration de trois des plus grands albums de la formation américaine. Une décision judicieuse qui a mené à une expérience marquante et une surprise de taille pour ceux qui avaient réussi à se procurer des billets.
Dans une odyssée de deux heures sans pause où ils ont enchaîné pas moins de 22 chansons dans une lente, mais certaine montée vers l’apothéose, le quatuor revisité a souligné le 30e anniversaire du chef-d’œuvre Mellon Collie and the Infinite Sadness et le 25e anniversaire de l’album double Machina/The Machines of God et Machina II/The Friends & Enemies of Modern Music, en plus de jouer des opus tirés du treizième et plus récent album studio de The Smashing Pumpkins, Aghori Mhori Mei.
Tous les membres de la formation The Machines of God (TMOG) sont entrés en scène en même temps avant l’heure annoncée devant une assistance gagnée d’avance, doucement, en silence et sans grand fracas; le chanteur et guitariste Billy Corgan en dernier, impassible, vêtu d’une longue tunique argentée qui reflétait parfaitement les éclairages.
Le précédaient ses alliés dans ce projet-aventure : Kiki Wong (The Smashing Pumpkins, Nylon Pink), guitariste singulière vêtue d’un habit à l’effigie de TMOG et à surpiqûres argentées, Jenna Fournier (dit Kid Tigrrr) à la basse, ingénue dans une robe blanche partiellement translucide, et l’impressionnant batteur Jake Hayden (Missing Persons), qui ont fait un boulot remarquable et ravivé la flamme de ceux venus revivre leurs souvenirs d’adolescence. L’amalgame fonctionne; l’essence de The Smashing Pumpkins des années 1990 (eux qui se sont séparés en 2000 avant de se reformer en 2018) est parfaitement recréée avec eux, jusque dans les attitudes, Corgan n’éclipsant aucunement les autres musiciens malgré sa longue feuille de route et sa prestance.
Devant une salle comble de quelque 1000 fans de la première heure, ils ont donné le coup d’envoi à ce cinquième spectacle de la tournée avec Glass Theme et Heavy Metal Machine. D’emblée, ceux qui craignaient de ne pas retrouver le Billy Corgan d’antan, lui qui a maintenant 58 ans, ont été soulagés de constater qu’il a non seulement conservé sa voix si distincte et grinçante, mais également son aura de superstar tranquille et toutes ses qualités de guitariste de renom. Il n’avait qu’à lever les yeux ou approcher en avant-scène pour susciter une réaction de l’assistance, souvent très calme en début de spectacle, comme trop occupée à vivre le moment qu’on redoute de voir passer trop rapidement, en pleine conscience, sourire aux lèvres et parfois larmes aux yeux.
Il aura fallu attendre une heure et la dixième chanson avant que le leader de la formation ne s’adresse pour une première fois à la foule avec un très simple « Est-ce que vous passez un bon moment? », auquel on a vivement répondu. Il n’aura fait que trois adresses hyper courtes au cours de la soirée, outre celles visant à souligner les 30 ans de l’album Mellon Collie and the Infinite Sadness et à présenter brièvement la surprise qu’il nous gardait en toute fin.
Voyage dans le temps
Comme on s’y attendait, ce sont les opus légendaires tirés de cet album qui ont le plus cartonnés, dont les Bullet with Butterfly Wings, 1979, Muzzle et Tonight, Tonight. Cette dernière, le clou, jouée acoustique avec Jenna Fournier en appui à la voix, a donné lieu à un moment d’une grande beauté où les spectateurs ont porté haut et fort les paroles « Believe in me as I believe in you / Tonight » devant un Corgan souriant, visiblement fier, les bras grands ouverts, qui a ensuite passé à If there is a God et l’attendue Bodies, où on scandait « Love is suicide ».
L’occasion était belle de se rappeler que oui, The Smashing Pumpkins est un générateur de musique extraordinaire, mais également de paroles réfléchies et tricotées pour laisser une marque indélébile sur ses auditeurs.
Porcelina of the Vast Oceans a fait fureur; on hurlait dans le théâtre, avant que ne survienne un petit creux, rien de trop grave, pendant Sighomni, Glass and the Ghost, You only live twice (où Fournier a assuré le chant d’une voix douce) et 999. Ça a évidemment explosé dès les premières notes de Bullet with Butterfly Wings, où Corgan a laissé chanter la foule, et pendant Muzzle, 1979 et Whyte Spyder, aux deux tiers du spectacle. Les fans étaient venus pour la totale, mais se languissaient clairement d’entendre les pièces plus « hard ».
La sélection et l’ordre établi des chansons, entre le calme et planant et le plus alternatif et abrasif, ont beaucoup contribué à la montée et la réussite de la soirée, où Corgan a procédé à au moins sept changements de guitares pour que tout soit joué à la perfection. On retiendra entre autres plusieurs solos mémorables, dont ceux de Pentagrams et Porcelina of the Vast Oceans.
Retour aux sources
Coup de théâtre lors du rappel! Ce que plusieurs fins connaisseurs du band original attendaient s’est produit : la bassiste originale de The Smashing Pumpkins, la mythique Melissa Auf der Maur, est entrée en scène pour un retour aux sources, après plusieurs années sans avoir joué avec son complice Corgan. Certains sont tombés des nues; pourtant, Auf der Maur est originaire de Montréal, et c’était à prévoir qu’on lui demande de se joindre à l’aventure pour la pimenter.
Tout sourire, elle a raconté comment elle a rencontré Corgan aux Foufounes Électriques le 23 juillet 1991 après qu’il se soit fait lancer une bière sur scène : « Je suis allée le voir, je me suis excusée pour la moitié de la ville de Montréal, et lui ai dit que je le suivrais jusqu’à la fin des temps. Le reste est passé à l’histoire », a-t-elle généreusement partagé. Ils ont tous ensemble joué The Everlasting Gaze sous les cris de la foule, la dernière du spectacle alors que les « setlists » annoncés prévoyaient quatre chansons en rappel pour ce passage en sol québécois.
Une quinzaine de fans irréductibles, majoritairement des hommes de styles très diversifiés venus revivre la quintessence de ces grandes œuvres alternatives, ont attendu les membres de TMOG pendant plus d’une heure dans la ruelle derrière le théâtre en fin de soirée; seuls Jake Hayden et Jenna Fournier se sont gentiment présentés pour une courte rencontre et quelques signatures et photos.
Return To Dust
TMOG s’était allié le jeune groupe américain Return to Dust en première partie, choix qui a fait sourciller certains spectateurs.
Fortement influencés par Alice in Chains et autres Soudgarden, Stone Temple Pilots et Pearl Jam de ce monde, et partie prenante du « grunge revival » que l’on connait depuis quelques années, les quatre membres ont certes la tête de l’emploi et semblent fort prometteurs, mais devaient eux-mêmes se pincer d’avoir été choisis pour assurer la lancée de cette grosse machine.
La production avait probablement pensé à eux exactement pour ça : pour pousser un band peu connu en qui elle croit, autre chose qu’une valeur sûre, moins accomplie, mais avec une présence scénique notable.
Menée par le chanteur principal et guitariste Matty Bielawski, torse nu et cheveux à la Chris Cornell, voix haute et claire rappelant les grands de cette époque, la formation, qui en était à sa première prestation au Québec, a multiplié les clins d’œil à des groupes alternatif et grunge des années 1990 en jouant des pièces de leur premier album studio, album homonyme, et de leur EP Black Road, notamment lorsque le bassiste a grimpé dans l’une des structures de métal bordant la scène comme le faisait le jeune Eddy Vader, chanteur de Pearl Jam, dans ses belles années.
Une performance qui n’aura peut-être pas marqué les esprits, qui ne restera pas non plus poussière, mais qui aura tout de même servi de bonne entrée en matière avant que ne nous transporte TMOG dans un spectacle où intemporalité, mélomanie et beauté ont régné.
Photos en vrac
- Artiste(s)
- Billy Corgan and the Machines of God
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Théâtre Beanfield
- Catégorie(s)
- Alternatif, Grunge, Progressif, Rock,
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