Agokwe : Focus sur la création des Premières Nations

La présentation de la pièce Agokwe, dont c’était la première mardi soir au Théâtre La Chapelle, amène dans son sillage Raotihon : TSA (qui peut se traduire par «Leur terre»), une série d’événements culturels focussant sur la création contemporaine des Premières Nations. Théâtre, cinéma, expositions, installations, danses et chants traditionnels et modernes, tables rondes et beaucoup de bonne volonté caractérisent cet important rendez-vous qui a cours depuis le 8 avril et qui s’étendra jusqu’au 22 avril 2016.

agokLe soir du lancement de la programmation, au MAI, on apprenait que Montréal est en territoire Mohawk, que nous provenons tous de la même mère qui est la Terre, que le Grand Esprit est bienveillant envers ceux qui sont pacifiques, que les rituels, les chants et les danses traditionnelles sont immuables. Le traiteur Québénakis, spécialisé en cuisine du terroir autochtone, servait pour l’occasion du filet de truite fumé à l’érable, une soupe abénakise de maïs et de fèves noires, avec du pain sans levain, nature ou aux canneberges, le tout accompagné de la musique du DJ Geronimo Inutik, artiste adepte de performances, et d’installations multimédia et vidéo. Tout un contraste!

Au programme de Raotihon : TSA, l’installation de Matt Macintosh et Keesic Douglas (artiste ojibwé) intitulée Pitching Tents in Terra Nullius, au MAI, où des peaux de renards, à moins que ce ne soit de coyottes ou de loups, sont suspendues de façon à ce que soient projetées sur elles des lettres lumineuses. Tout un contraste là aussi. L’entrée est libre, et c’est jusqu’au 14 mai. Entrée libre aussi, jusqu’au 15 avril, à la Centrale Galerie Powerhouse, pour l’exposition de Dayna Danger et Cecilia Kavara Verran intitulée Disrupt Archive, deux artistes conceptuelles métissées qui s’intéressent aux objets culturels ayant été décontextualisés et institutionnalisés.

Photo par Marc J. Chalifoux

Photo par Marc J. Chalifoux

Trois courts métrages modernes de Miss Chief Eagle Testekle (Kent Monkman, d’origine crie) sont présentés gratuitement au bar du Théâtre La Chapelle dès 19h, juste avant la pièce Agokwe à 20h dans la salle. Une sélection plus officielle de courts métrages a trouvé son chemin jusqu’au Centre Phi, ce qui est un gage de qualité. La prochaine soirée de projections est le 21 avril.

Deux tables rondes se tiendront au Conseil des Arts de Montréal (Édifice Gaston-Miron) les 16 et 17 avril, avec pour thématiques : identité et affirmation culturelle, résistance autochtone et droit à l’autodétermination, défis et rôles des artistes autochtones en art contemporain au Canada. La première est animée par la poète innue Joséphine Bacon, Ambassadrice de l’événement (Kukum d’honneur), la seconde par Ellen Gabriel qui de 2004 à 2010 a été présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec.

Enfin, deux soirées au Monument-National qui valent le détour pour que continue de s’opérer un rapprochement envers les arts autochtones : Transcestral : Incantations, poésie et musique de Moe Clark (artiste métis multidisciplinaire) et Katia Makdissi-Warren (dont les compositions musicales se retrouvent dans plusieurs pays) le 16 avril; et un spectacle de danse (relevant de l’installation performative, présentée comme une sculpture vivante) par la chorégraphe Daina Ashbee (de descendance Crie et Métis) intitulé When the ice melts will we drink the water?, le 22 avril, en clôture de cette sorte de festival des Premières Nations qui nous interroge et nous tend la main pour que nous nous tournions davantage vers elles, en faisant au moins l’effort de les connaître et de les reconnaître.

Mais, revenons à la pièce Agokwe qui aura été le déclencheur de ces 14 jours de culture autochtone.  La pièce, qui est présentée en anglais (avec un fort accent), a d’abord été développée et produite à Buddies in Bad Times à Toronto en 2008, rapportant par la suite six prix Dora. Waawaate Fobister joue en solo son propre texte qui raconte l’histoire d’amour tragique de deux garçons Anishnaabe habitant deux réserves voisines. L’un, efféminé, est danseur traditionnel, l’autre est joueur de hockey, tout ce qu’il y a de plus masculin. Fobister joue l’un et l’autre qui se répondent, tout en parlant au public pour garder son attention.

Sur le thème de l’intimidation, de l’homophobie et de l’isolation sociale, le texte n’est pas sans humour non plus. Mais, il a fallu beaucoup de courage, personnel et artistique, de la part de Waawaate Fobister pour aborder ces sujets dans la communauté amérindienne. L’auteur et comédien le fait avec sincérité, ce qui rend le personnage touchant, attachant, criant de vérité même.

Les costumes d’Erika Iserhoff sont d’une grande importance. Au début de la pièce, l’acteur est transformé en un oiseau gigantesque qui ne dépasse pas toutefois les frontières tracées par un cercle rouge sur la scène. Le langage est cru, ne se privant pas de lancer à un moment donné que les humains sont stupides, et qu’il aura fallu 500 ans avant que le gouvernement canadien ne présente des excuses pour les torts génocidaires causés aux Premières Nations.

En fond de scène se dressent trois immenses tissus tendus comme des peaux animales dans un cercle métallique, devenant plus tard des écrans pour les projections conçues par Andy Moro et qui ajoutent à cet univers de cultures aborigènes diversifiées maintenant rendues en 2016, alors qu’on les appelle encore les Indiens.

L’équipe de création, The Agokwe Collective, s’est donné pour but de faire voyager la pièce un partout au Canada et à l’étranger. Agokwe est à l’affiche encore jusqu’au 15 avril au Théâtre La Chapelle.

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