AD LIBITUM #12 | L’exception d’utilisation équitable : pas toujours si évident!
Puis-je faire des t-shirts sérigraphiés pour mon groupe avec cette magnifique illustration que j’ai trouvée sur Internet? Puis-je utiliser les extraits de ce film culte pour la trame visuelle de mon prochain vidéoclip? Puis-je utiliser cette photo publiée sur Facebook par Etnor Bruniz Perso pour la couverture de mon journal indépendant?
Sans l’autorisation de l’auteur, non.
Afin d’éviter une envolée théorique et de transformer cette chronique en l’un de ces cours didactiques que nous avons tous un jour tenté de fuir, voici dans sa forme la plus simplifiée le principe fondamental du droit d’auteur : sous réserve de certaines exceptions, l’auteur est seul maître de son œuvre. Et son droit d’auteur comporte le droit exclusif de produire, reproduire, exécuter, représenter, communiquer, publier, adapter, modifier (etc.) la totalité ou une partie importante de son œuvre.
Lorsque l’on pose un des gestes réservés à l’auteur sur la totalité ou une partie importante de son œuvre (sans autorisation), on viole ses droits. Et cela, quel que soit le support ou média utilisé – Facebook, Instagram, Pinterest, Twitter et compagnie n’échappent pas à la règle.
Vous l’aurez donc deviné, la seule façon de rendre légitime l’emprunt sans autorisation d’une partie importante d’une œuvre, c’est en brandissant haut et fort l’exception d’utilisation équitable – et non le fair use, qui lui est son pendant américain (et différent).
Mais cette exception a ses limites et, avant de prétendre à sa protection, encore est-il important d’en saisir la portée !
1. L’exception d’utilisation équitable, c’est quoi?
Grosso modo, c’est un droit qu’on a voulu donner aux utilisateurs. Il s’agit d’une défense permettant de justifier certaines activités qui, sans cette exception, constitueraient une violation du droit d’auteur.
Par exemple, un blogue décide – sans demander d’autorisation – de publier cinq extraits de chansons de Bernard Adamus sur son site web pour célébrer son 2e anniversaire – et par le fait même obtenir quelques visites supplémentaires : l’exception d’utilisation équitable ne trouve pas application et le blogue en question est susceptible de violer le droit d’auteur de Monsieur Adamus. Le même blogue publie les cinq mêmes extraits, mais critique chacun des morceaux et offre son impression générale sous forme d’un top 5 : il pourrait éventuellement invoquer l’exception d’utilisation équitable.
« Quelle est la différence?!? » Continuez de lire!
(Avis aux blogues : ceci n’est pas un avis juridique complet et exhaustif! Je compléterai avec plaisir au besoin!)
2. L’utilisation … : fait-elle partie des catégories visées par la Loi?
C’est souvent ici que le bât blesse : les fins visées par l’utilisation doivent impérativement être celles prévues par la Loi, soit l’étude privée, la recherche, l’éducation, la parodie, la satire, le compte-rendu, la critique et la communication de nouvelles. C’EST TOUT!
Dans l’exemple du blogue, c’est parce qu’il y a une fin critique à l’utilisation des œuvres de Bernard Adamus que l’exception s’applique; autrement, sans autorisation, il y a potentiellement violation.
C’est aussi dire qu’un professeur pourrait éventuellement reproduire une illustration pour en faire la présentation devant ses élèves dans le cadre d’un cours sur les Arts, mais ne pourrait la reproduire tout simplement pour décorer son salon.
3. … équitable : est-ce vraiment fair?
Le deuxième volet de l’analyse consiste en une question assez logique : est-ce vraiment équitable (…pour l’auteur et son œuvre) ?
Si l’utilisation a pour objet l’une des catégories visées ci-dessus, est-elle pour autant équitable? Il s’agit d’une question de fait, et il est judicieux de consulter avant de se proclamer juge de l’équitabilité! La jurisprudence offre cependant quelques critères à prendre en considération pour déterminer si l’utilisation en question s’avère équitable ou non…
1. Le but de l’utilisation
2. La nature de l’utilisation
3. L’ampleur de l’utilisation
4. Les solutions de rechange à l’utilisation
5. La nature de l’œuvre
6. L’effet de l’utilisation sur l’œuvre
BREF, l’exception de l’utilisation équitable permet à certains utilisateurs d’exercer un ou des droits exclusifs au titulaire, sous certaines conditions bien précises. Tellement de variables sont en jeu lorsque vient le temps d’aborder l’exception d’utilisation équitable qu’il peut s’avérer dangereux de s’aventurer seul dans ces eaux troubles! Mon conseil : consultez!
À RETENIR :
- Le fair use est une notion américaine; au Canada, c’est l’exception d’utilisation équitable qui s’applique!
- L’utilisation doit avoir pour objet l’une des fins visées expressément par la Loi.
- L’utilisation doit être … équitable!
* Visitez le site officiel de Bertrand Menon, avocat.
- Artiste(s)
- Ad Libitum
Vos commentaires