Entrevue avec Fabrice Marandola de Sixtrum | Batèches (ou quand la percussion croise Miron)

Les mardi 16 et mercredi 17 février 2016, Groupe Le Vivier propose Batèches au Gesù, un « spectacle de sens et de sons » où les percussions et claviers de Sixtrum et Percussions Claviers de Lyon s’unissent et se frottent à la théâtralité des mots de Gaston Miron. Sors-tu.ca a eu l’occasion de jaser avec Fabrice Marandola, directeur artistique délégué de Sixtrum.

Depuis ses débuts en 2007, l’ensemble de percussions Sixtrum n’a jamais eu peur des défis. Au contraire, on y plonge volontiers, que ce soit en flirtant avec la danse (un travail conjoint avec O Vertigo, notamment), le théâtre ou la poésie. « La volonté délibérée, c’est de continuer à faire ce que nos prédécesseurs ont fait, en poussant les frontières, en allant voir ailleurs, explique M. Marandola. On continue avec les moyens d’aujourd’hui, comme la technologie et l’aspect pluridisciplinaire. Nous, ça nous pousse à chercher autre chose ».

Bien au-delà de sa « mission de soutien rythmique » à laquelle on associe instinctivement la percussion, Sixtrum voit grand, et incorpore à la fois le geste, les timbres et la diversité de couleurs à son approche.

Pour Batèches, Sixtrum multiplie les défis. D’abord, se retrouver à 11 musiciens sur les planches. Fabrice Marandola décrit une « forêt d’instruments incroyable » sur la scène du Gesù, qui est assez serrée. « Le compositeur (Patrick Burgan) a bien utilisé tout cet orchestre, et bien exploité la panoplie de sonorités. Ce ne sont pas tous les compositeurs qui aiment se frotter à la percussion : certains disent non, ils envisagent mal comment prendre l’affaire. Chaque instrument a des sons spécifiques. Il y a tous les problèmes de baguettes, qui changent complètement le son. C’est compliqué d’écrire pour la percussion, mais les compositeurs qui l’essaient y prennent goût et y reviennent. »

Poème symphonique

Qui sont les cinq autres musiciens qui s’ajoutent aux 12 baguettes de Sixtrum ?  Il s’agit de Percussions Claviers de Lyon, « un des rares ensembles professionnels à ne faire que ça ». Ils existent depuis 30 ans et tournent beaucoup aux quatre coins du globe. « Ils sont très réputés pour leurs orchestrations de musique du début du 20e siècle, Debussy, Ravel… »

Tout a débuté il y a cinq ans, lorsque PCL était en tournée à Montréal pour trois spectacles pour enfants. Les Français avaient alors demandé à Sixtrum d’organiser des concerts et des master classes. « À tous les 2 ou 3 ans, ils font des collaborations avec d’autres ensembles pour créer du nouveau répertoire et se frotter à d’autres façons d’aborder la percussion ».

Lorsqu’est venu le temps de collaborer avec un ensemble du Québec, ils ont choisi de travailler à la base de poèmes, en choisissant Gaston Miron. « Le compositeur a lu L’homme rapaillé et avait adoré le langage et le potentiel musical. Il s’est fait un mini-livret d’opéra pour lui-même comme trame un peu narrative et dramaturgique, pour se donner une contrainte d’écriture. Au début, il pensait ne pas utiliser les textes du tout, et finalement, on a opté pour ajouter un élément vidéo, avoir des éléments de poèmes, des extraits projetés, ou quelques mots qui évoquent certains poèmes. Ou encore, des éléments graphiques : une corneille, ses lunettes, les yeux de Miron. »

Les éléments de textes et d’images ont ensuite été superposés à la musique. C’est un peu comme un opéra sans chanteur. Le compositeur appelle ça un Poème symphonique.

Le spectacle a été créé en France, et a été présenté il y a quelques mois à Lyon, Toulouse et en région parisienne, récoltant une belle réception. « La poésie reste, qu’on soit Québécois ou Français. » C’était prévu dès le départ comme un projet aller-retour.

Deux ensembles sans chef

« Dès la première répétition, on se demandait comment ça allait se passer, deux ensembles sans chef, donc onze musiciens éloignés les uns des autres. Dès les premières notes, c’est comme si on avait toujours travaillé ensemble, il y avait une impression de confort dès le départ. Les appréhensions sont tombées et la confiance s’est installée entre tout le monde. »

Chacun y a trouvé ses avantages : « C’est intéressant pour nous, parce qu’on n’a jamais l’occasion d’être tous les six sur les percussions et non aux claviers. Ça permet de raffiner la façon dont on joue. Et eux, à se retrouver avec six percussionnistes, ils doivent projeter beaucoup plus. »

Les musiciens apprécient également de pouvoir profiter de la résidence du Groupe Le Vivier au Gesù afin d’investir le lieu à l’avance. « On rentre au Gesù le dimanche matin et on a jusqu’au mardi soir pour s’habituer à l’acoustique. Le Vivier nous permet de donner ces conditions-là, ça nous permet de raffiner notre art ».


* Batèches sera présenté au Gesù les 16 et 17 février en partenariat avec le Quartier des Spectacles, ainsi que le 20 février au Palais Montcalm, à Québec. Détails et billets par ici

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