Critique CD: PJ Harvey – Let England Shake
Plus de 18 ans après Dry, la vétérante du rock indé PJ Harvey continue de butiner de style en style. Pour ce 8e album studio, Let England Shake, PJ Harvey se penche davantage sur un thème récurrent dans les propos (la guerre et les conflits racontés du point de vue du soldat ou de l’ancien combattant) que sur une approche musicale particulière.
Il est vrai, toutefois, que ce nouveau disque se distingue musicalement du précédent, White Chalk (où le piano servait d’assise), par la prédominance des guitares électriques légèrement distordues et de l’autoharpe, un instrument que l’artiste britannique incorporait progressivement à sa musique depuis quelques années. Grâce à la richesse sonore de l’instrument, que PJ Harvey utilise un peu comme une guitare acoustique, l’album bénéficie à la fois d’une certaine acuité et d’une saveur organique omniprésente.
Tout l’album repose sur ce contraste entre une musique tour à tour rythmée (Bitter Branches, Written on the Forehead, The Words That Maketh Murder) et délicate (England, All & Everyone, Hanging In the Wire), et des propos plus lourds, abordés sans détour en axant davantage sur le tourment humain que sur une prise de position politique.
Balade dans un champ de mines
La majorité des pièces demeure dans ce registre, mais certaines s’aventurent dans des lieux insoupçonnés: la chanteuse met sa voix de tête à profit de façon presque « nouvel âge » sur On Battleship Hill , exploite ses racines folkloriques britanniques et partagent le micro avec Mick Harvey (des Bad Seeds de Nick Cave) sur The Colour of the Earth et évoque des lamentations sur England.
La plus viscérale, Bitter Branches, semble être la seule chanson s’inscrivant davantage dans ce qu’on pourrait appeler le « style PJ Harvey » (si l’on peut vraiment en identifier un) de ses premières années plus brutes, alors que d’autres titres, comme The Glorious Land et In the Dark Places, pataugent dans les mêmes eaux que Stories from the City; Stories from the Seas, qui avait relancé l’artiste au tournant du nouveau millénaire.
Certains moments sont poignants , d’autres plus légers, mais on y ressent tout au long à la fois un amour profond pour son pays et l’expression d’un esprit rebel libre de souligner les travers de la culture imbibée de bellicisme de sa patrie.
Voilà là le résultat d’une artiste soucieuse de poursuivre son exploration et qui vise plus souvent dans le mile qu’autrement. Ce coup-ci, c’est bien le cas: Let England Shake repose sur un concept un peu casse-cou qui donne, heureusement, un résultat très convaincant et une multitude de moments de qualité.
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