Critique album | Navet Confit – LP4, LP5 et LP6
Tel un genre de Beck québécois (beaucoup plus sous-estimé), on croyait Navet Confit en congé de créativité sous ce pseudonyme. Collaborant à gauche et à droite, tant au théâtre qu’en musique, le Navet n’avait pas donné suite à son troisième album complet, l’amusant LP3 / Papier-vampire, depuis 2009. Eh bien sans crier gare, il rapplique avec pas moins de trois nouveaux albums de matériel original déposés en coup de vent sur Bandcamp. Un buffet bordélique qu’il serait fâcheux de reléguer aux oubliettes pour cause de surabondance spontanée…
De toute façon, pour ceux qui préfèrent que le tri soit fait pour eux, bonne nouvelle : le label La Meute proposera une version Bestove sous forme de CD. Un seul CD, avec une sélection de titres de ces trois albums. Mais par respect pour le soucis de complétude du Navet, parlons-en album par album.
LP4 – La vérité sur Noel –
Rien à voir avec la fête du Christ, vraiment. À part la pochette. Mais encore : Saint-Nicholas nous paraît très accessoire dans cette mise en scène.
Pour une raison qui nous échappe, cet album est disponible en téléchargement payant, à 10$. Les deux autres peuvent être téléchargés gratuitement (ou en échange d’un don volontaire, pour les bons samaritains).
Mais assez parlé de la forme.
Comme d’habitude, le Navet jongle avec un mélange de pop bonbon (Un film, La vraie vie, Des choses à faire, Parle), de balades stoner (À qui je parle) et de gros rock grunge fâché (Ça n’existe pas, Mon amie au Japon).
Le ton y est toutefois plus « léger » et divertissant que sur les deux autres. L’absurdité lyrique y est toujours aussi présente, poussée par sa voix nonchalante, sans compromis. Des trois, celui-ci dévoile davantage le côté givré du Navet, mais c’est également le plus complet, le mieux dirigé.
LP5 – Thérapie –
Dès les premiers sons de Et c’est ton préféré, un constat s’impose : celui-là ne sera pas aussi facile à digérer. Pas plus que l’étrange burger dégoulinant de la pochette, signée Gabrielle Laïla-Tittley. Les compositions y sont plus obliques (Tu as tout détruit en est un bon exemple), bizarres (Le bonheur), sombres… C’est lo-fi, audacieux et expérimental par moments.
Au fond, cet album est celui qui rappelle le plus le LP2, son meilleur en carrière à date, mais nécessite également une certaine ouverture de la part de l’auditeur.
LP6 – Au moins, quelques personnes et/ou compagnies et/ou médias prennent encore le risque de promouvoir la diversité dans l’industrie de la musique au Québec en 2013 (ou « si je vends pas plus que 500 copies j’arrête de faire de la musique ») –
Si l’idée vient à l’ADISQ de créer une catégorie « Titre le plus long de l’année », on peut d’emblée remettre le Félix à Navet Confit pour celui-ci…
Les pièces plus inachevées du Navet se retrouvent ici. Comme s’il s’agissait plutôt de deux EP ficelés pêle-mêle.
Un peu trop éparpillé, ce troisième album donne tout de même lieu à quelques chansons intéressantes, dont l’amusante Louis-José Houde qui exploite bien sa fascination un peu tordue envers la culture populaire et sa maîtrise des codes de la pop, volontairement bâclée en studio pour en faire quelque chose de presque punk.
Il fait bon, aussi, entendre un artiste avec autant de talent qui déconne au lieu de présenter des titres léchés. Entre les mains d’un artiste plus appliqué, ces mêmes chansons auraient pu être fades, mais le Navet sait mettre du piquant à des titres couci-couça. Ce qui est un talent en soi.
Bestove
Au fond, les trois albums explorent chacun une facette récurrente de Navet Confit au fil de ses albums, un peu comme l’avait fait Tom Waits avec son touffu disque triple Orphans: Brawlers, Bawlers & Bastards, en 2006. Navet Confit insiste toutefois pour dire que ce sont trois albums bien distincts. Et effectivement, mieux vaut les prendre un à la fois pour éviter l’indigestion.
Exercice fort intéressant tout de même, qui donne un résultat riche et savoureusement imparfait. Parce que quand c’est parfait, c’est moins bon.
- Artiste(s)
- Navet Confit
- Catégorie(s)
- Indie Rock, Pop, Rock,
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