
Bush à Laval | La coriandre du (post)grunge
D’entrée de jeu, on l’avoue, on ne sait pas quelle tournure prendra ce texte. Critique classique de show pour Sors-tu.ca? Totale description en mode fangirl pour le magazine Cool comme si on était en 1998? Tout ça allait dépendre de la performance du groupe principal de la soirée, Bush, et surtout de son charismatique chanteur, Gavin Rossdale. De passage à Montréal (Laval) à la Place Bell en ce mercredi soir, le groupe est venu présenter Loaded: The Greatest Hits Tour, ou comme ses détracteurs aimeraient bien questionner « C’est quoi, ils vont jouer Glycerine en boucle pendant une heure et demi? »
Tut tut tut. Avec 10 millions d’albums vendus aux États-Unis et plus de 20 millions dans le monde, le groupe rock britannique est l’un des plus populaires des années 1990. À une époque où vendre un album était un gage de succès considérable, rappelons-le, en comparaison avec la valeur d’un clic sur une vidéo Youtube de nos jours, prenons Crazy Frog, par exemple.
Néanmoins, depuis sa création en 1992, le groupe est très polarisant dans la communauté des mélomanes, certains décriant l’emprunt flagrant au grunge sans en maîtriser les codes, d’autres affirmant que le succès n’est dû qu’à la beauté du chanteur. D’ailleurs, une recherche rapide sur Google démontre clairement que le groupe attire le meilleur et le pire des points de vue. Il existe des forums entiers sur Reddit, avec des centaines de commentaires, sur les thèmes « Bush: Underrated or Overrated? » ou encore « Why do people hate Bush? ». Les questions principales générées par l’IA Gemini sont « Did Bush Copy Nirvana? », « What happened to the Bush guy? et « What party was Bush? » (oups! on arrive rapidement à George…).
Bref. Bush, c’est la coriandre des groupes rock.
Filter et Rival Sons ouvrent la soirée fin de journée
Alors, cette soirée?
Eh bien, ça commençait assez – beaucoup trop, kesséça 18h45?! – tôt avec un autre groupe phare tout droit sorti des années 1990, mais qu’on retrouvait plus dans la section rock industriel du HMV : Filter.
Non, ce groupe ne se résume pas à la balade-bongo-mélo Take A Picture, aux 119,7 millions (!!!) d’écoutes sur Spotify, l’hymne ultime d’Instagram « Could you wanna take a picture?, ‘Cause I won’t remember »…
Au contraire, loin d’un band one hit wonder, Filter peut compter sur des morceaux de grosse pointure, qui ont défilé à la vitesse de l’éclair lors de son set un peu trop court à notre goût, de seulement 7 chansons.
Le groupe de Richard Patrick, dont la carrière a commencé au sein de Nine Inch Nails, déménage autant sur scène que sur disque, même après 30 ans de carrière. You Walk Away, (Can’t You) Trip Like I Do, Jurassitol (tirée de la trame sonore de The Crow: City of Angels) et la fameuse Take A Picture ; Filter fait défiler son riche répertoire rock rempli de grosse basse, de grosse guit, de grosses pédales pis de gros drum, dans un éclairage qui ressemble plus à un vieux bar goth où il est difficile de circuler tellement c’est sombre.
Richard Patrick, qui n’a pas touché à une guitare de tout le spectacle, a prouvé que son principal instrument, sa voix, était très en forme. Il a même répété a capella, dans un high pitch totalement réussi, le « Hey, Dad, What do you think about your son now? », tel un mantra à la fin de la mélodique Take A Picture.
Mais on ne peut pas parler de la performance de Filter sans mentionner le clou de leur show, les deux chansons interprétées à la fin de leur set, Welcome to the Fold, meilleur morceau de Title of Record, et surtout, la très attendue Hey Man, Nice Shot, pièce de résistance de son répertoire. Les deux chansons, livrées avec un sentiment d’urgence comme on le retrouve assez bien sur disque, avec les pédales de reverb maîtrisées à fond, prouvent que Filter trône encore et toujours en haut des groupes de rock industriel, même après 30 ans de loyaux services.
En deuxième partie, le groupe californien Rival Sons a fait son entrée sur la musique de Ennio Morricone, The Good, The Bad and The Ugly, alors que l’éclairagiste de la salle trouvait enfin comment mettre la switch à on.
Tandis que le guitariste et le bassiste du groupe semblent avoir les chaussures coulées dans le béton, le chanteur vaque à ses occupations, nus pieds, vêtu de son magnifique complet rose, ses longs cheveux détachés virevoltant à chacun de ses mouvements.
Parlons-en, de ce chanteur. Jay Buchanan fait le band, rien de moins. D’abord sa voix, sorte d’émule aux grands chanteurs rock à la Robert Plant, est parfaitement maîtrisée et Buchanan nous a livré de nombreuses envolées vocales impressionnantes tout au long de la performance du groupe. Ensuite, sa présence sur scène, le chanteur est constamment en mouvement pendant les 30 minutes de spectacle du groupe.
Pour résumer en gros ce que fait Rival Sons, on dirait que c’est un band de 2010 qui se prend pour un band de 1970. Bien qu’un peu redondant musicalement, on peut comprendre les amateurs nostalgiques d’un style d’une époque un peu révolue de se tourner vers ce groupe qui, somme toute, reprend bien les codes du classic rock. Tout pour plaire aux auditeurs, mais surtout aux programmateurs musicaux de CHOM.
Le plat principal
Enfin arrive Bush, dans un décor très minimaliste. On comprendra rapidement que le décor aurait pu être autant l’entièreté d’une troupe de cirque que juste un gros tas de fumier en arrière-scène; peu importe, on a d’yeux que pour Gavin Rossdale. Après un bref solo de batterie, le reste du groupe est monté sur scène, dont le chanteur, sautillant, guitare à la main, annonçant une grande forme et une certaine envie d’être là.
D’emblée, le quatuor a enchaîné Everything Zen, Machinehead, Bullet Holes (tirée de la trame sonore de John Wick) et The Chemicals Between Us. Les interprétations sont solides, efficaces, pesantes, honnêtes. La voix n’a pas changé d’un timbre depuis 1994.
Tantôt chanteur-guitariste, tantôt seulement chanteur, c’est à ces moments qu’on comprend toute l’ampleur du leadership et la crédibilité comme frontman de Rossdale. Libre de ses mouvements, le chanteur de 59 ans danse avec autant de désinvolture que de fougue, si c’en est possible.
Force est d’admettre que le magnétisme de Gavin Rossdale opère toujours. Il joue avec le public pendant Greedy Fly, encourageant la foule à crier pendant les pauses dans la chanson. Il répète souvent entre les morceaux à quel point il est reconnaissant que le public sorte pour voir de la musique live. Et il prend un long bain de foule pendant Flowers of the Grave, accumulant poignées de mains, accolades, selfies et mêmes câlins en parcourant la totalité des gradins en courant et sautant partout.
Le public a eu droit à une version intimiste de Swallowed, plus lente qu’à l’habitude, Little Things avant le rappel, et même une reprise de Come Together des Beatles. Juste avant d’entamer Glycerine, seul à la guitare, Gavin Rossdale a sorti son plus beau français pour expliquer à quel point cette chanson avait changé sa vie. Puis, les autres membres du groupe sont venus le rejoindre pour jouer Comedown en finale de cet excellent concert.
Alors, pour revenir avec cette question précédemment posée par Gemini, relayée en début d’article : « What happened to the Bush guy? »
On vous répondra qu’il a merveilleusement bien vieilli.
Vieillir. C’est probablement le terme à retenir ici. Contrairement à Kurt. À Chris. À Scott. À Chester. Contrairement à ces légendes du rock des années 1990, Gavin Rossdale a survécu, vieilli, continué de vivre et fait vivre des émotions aux fans de musique qui se déplacent encore pour voir des shows live. Et on l’espère pour encore plusieurs années à venir.
Photos en vrac
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Rival Sons
Filter
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- Alternatif, Grunge, Rock,
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