crédit photo: Pierre Langlois
BoyWithUke

BoyWithUke au Théâtre Beanfield | Retour vers le futur

Une impression de déjà-vu. Oui, c’est ça. Le son d’Osheaga 2015. Milky Chance, Twenty One Pilots. Non, pas ça. C’est plutôt une vision d’avenir. Osheaga 2024.

Il fera soleil, des milliers de festivaliers chanteront en chœur et battront du pied. Ils seront 950 à dire qu’ils y étaient, à ses débuts, dans cette petite salle du sud-ouest. BoyWithUke. Armé d’un ukulélé, mais orné d’un masque futuriste. Vouloir devenir une rockstar, mais avoir déjà le mal du pays. Se masquer pour fuir son passé, mais se dévoiler à coup d’anecdotes pour assurer son avenir. BoyWithUke c’est le passé et le futur réunis autour d’un projet artistique fait pour plaire aux masses.

Tout pour plaire aux masses

Les chansons de cet originaire du Massachusetts paraissent familières dès la première écoute. On vous met au défi d’aller écouter Toxic de l’album Serotonin Dreams paru en 2022. Vous ne l’avez peut-être jamais entendue, mais elle vous dit sûrement quelque chose. Pas convaincu? Écoutez Understand du même album. Vous croyez déjà la connaître? C’est normal.

Les compositions de BoyWithUke ont tout pour plaire. Elles ont des structures mélodiques simples, souvent construites en alternant à répétition deux ou trois segments mélodiques faciles à retenir. La section rythmique est centrée autour d’un coup de grosse caisse, suivi d’un coup de caisse claire, d’un autre coup de grosse caisse et d’un autre de caisse claire. Boum, tip, boum, tip, boum, tip. Un rythme simple et efficace, facile à suivre en tapant du pied ou en hochant la main de haut en bas.

Ajoutez à cela de fortes influences de Milky Chance et Twenty Ones Pilots, des extraits de mélodies vaguement familières (comme sur Out of Reach où on croit entendre l’intro de Ready or Not des Fugees et sur Hurt of Ice où vers 17s on hallucine l’intro de Mickey de Toni Basil) et vous avez la parfaite recette pour donner une impression de familiarité à de nouvelles chansons.

Il doit aussi à ses textes l’affection que lui porte son public. Il raconte à travers ses compositions des histoires personnelles, mais universelles. Une enfance pauvre, des amours déchus, de l’intimidation subie à l’école, l’anxiété, la timidité, la solitude, les amis toxiques. Des thèmes chers à la vie d’adolescent et de jeune adulte. Ils étaient d’ailleurs très nombreux à s’approprier les paroles en chantant à tue-tête.

Les textes de BoyWithUke décrivent avec intimité ses états d’âmes et touchent les cordes sensibles des jeunes adultes qui se construisent. Il fallait l’entendre lire sur scène une lettre-dessin qui lui a été remise à la fin du spectacle: « You’ve changed my life […] Seeing you be yourself, makes me believe I can be myself too ». On n’aurait pas pu imaginer une meilleure mise en scène pour introduire le dernier titre de ce spectacle de 80 minutes, Trauma, où il raconte les traumatismes d’une enfance passée dans la pauvreté. Une belle coïncidence, sauf que …

Roi de l’algorithme, du faux et du vrai

Il fait partie de cette génération qui maîtrise les algorithmes des plateformes numériques et qui sait rendre du contenu viral et capable d’attirer les grandes maisons de disque. C’est ce qui s’est passé pour BoyWithUke.

Jeune, ses parents l’ont forcé à apprendre le piano, le violon, la guitare et le solfège. Il abandonna la musique pendant de nombreuses années pour y revenir dans une formule plus pop. Une flamme l’aurait convaincu de se mettre au ukulélé, son petit frère de se créer un compte TikTok.

Timide et craignant faire rire de lui, il acheta sur Amazon un masque facial opaque orné de grands yeux composés de lumières DEL pour garantir son anonymat. Il acquit d’abord une certaine notoriété à écrire des ritournelles à partir de thématiques proposées par ses admirateurs. Il compose lui-même sa musique sur GarageBand depuis son iPad, de sa chambre à coucher.

Vivant une situation désagréable avec des amis, il se créa un faux compte pour interagir avec son vrai compte en [se] demandant d’écrire une chanson sur les amitiés toxiques.

Il répondit favorablement à cette [fausse] demande en composant Toxic. Rapidement, ce titre devint viral et fut de lui le chanteur masqué le plus célèbre de TikTok. Ça lui vaudra en peu de temps l’attention de Republic Records qui héberge également Taylor Swift, Drake et Post Malone pour ne nommer que ceux-là.

Lucid Dream, son troisième album, mais son premier avec une étiquette professionnelle, sortira d’ailleurs le 6 octobre prochain.

La coolitude des nonchalants

Dancing Queen d’ABBA a précédé le chanteur masqué et s’est arrêtée à « see that girl » tout juste avant que l’écran du fond écrive en grosse lettre BoyWithUke. Il est ensuite aller s’installer seul sur scène entre deux grosses colonnes lumineuses dignes des spectacles à grand déploiement. Derrière lui se trouvait un écran géant qui projeta tout au long de la soirée des images de synthèse où il était mis en scène dans des paysages parfois réalistes et parfois fantaisistes.

Lors de deux premiers titres, BoyWithUke brandit souvent son micro vers la salle pour interagir avec les spectateurs qui chantaient en chœur ses chansons. Pendant ces moments où le micro n’était pas du tout près de son visage, on pouvait tout de même très bien l’entendre chanter par-dessus la bande sonore préenregistrée. Déçue de constater que j’avais affaire à un Milli Vanilli des temps modernes, j’ai ensuite compris qu’il m’avait bien eu lorsqu’il expliqua tout de suite après Out of Reach que son micro de main était qu’un accessoire, un faux micro, et que son véritable micro était sous son masque. Il m’aura bien eu et j’ai bien aimé qu’il nous joue de la sorte.

Finalement, j’aurai été charmé par le personnage. Habillé d’un kangourou pâle, le capuchon sur la tête, et le visage caché par son masque, il n’avait rien pour attirer ma sympathie. Pourtant, ses nombreuses interventions entre les chansons étaient si sincères et son plaisir d’être sur scène si contagieux qu’il en était attachant. Ses mouvements sur scène et ses pas de danse faisaient penser à ceux du gars cool de l’école. Pas celui qui est arrogant, mais l’autre qui est modeste et tellement bien dans sa peau que ça ne le dérange même pas de se pointer dans ton party poche de sous-sol un lundi soir, pour te faire plaisir, car il sait que dès qu’il y mettra les pieds le fun va pogner. C’est ce qui est arrivé hier, le fun a pogné.

Naethan Appollo

De la même trempe des rois et reines de l’auto mise en marché, ce natif de l’Iowa est surtout une vedette TikTok. Cela ne l’a pas empêché d’être capable de manipuler à sa guise la salle en première partie, lui faisant faire et dire ce qu’il voulait bien. D’ailleurs, on soupçonne même que plusieurs étaient déjà fans, puisque dès son entrée sur scène la salle était déjà pleine (ce qui est rare pour les premières parties) et que plusieurs semblaient connaître ses quelques chansons.

Je ne saurais décrire précisément les 20 minutes qu’il a été sur scène, autrement qu’en disant qu’il était habillé en Peter Pan et que sa performance était à la frontière entre l’amuseur public, l’animateur de foule, l’humoriste et l’artiste de comédie musicale. Il faut le voir pour comprendre. Je ne sais pas s’il y a vraiment un marché pour ce type de divertissement en salle, mais vous pouvez certainement aller le zyeuter sur votre plateforme numérique favorite.

Grille de chansons (BoyWithUke)

1 Rockstar
2 Out of reach
3 Two Moons
4 Idtwcbf
5 She Said No
6 Haha, Hi
7 Loafers
8 Understand
9 Toxic
10 Heart of Ice
11 Migraine (primeur)
12 Prairies
13 Long Drives
14 Homesick (primeur)

Rappel:

15 The Merch Song
16 IDGAF
17 Trauma (acoustique)

PHOTOS EN VRAC (BoyWithUke)

Naethan Appollo (Première partie)

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