Coupe Charade 2023 de la LNI | Les Oranges arrachent la victoire en finale
Ce lundi se tenait la dernière joute de la saison régulière du Théâtre de la LNI, institution absolue dans le monde de l’improvisation au Québec, mais aussi ailleurs, qui rassemble chaque année la crème de la crème des acteurs de la discipline. L’équipe des Oranges, menée par son capitaine Jean-François Aubé, s’est défaite de ses quatre adversaires des Rouges sur le score de 5 à 4.
Le Club Soda, plein à craquer, avait revêtu son plus beau « manteau LNI » pour l’occasion : des colonnes exposant le temple de la renommée de la ligue (existant depuis 1977, faut-il le rappeler), une disposition classique à l’improvisation théâtrale impeccable et, de chaque côté de la scène, deux bannières célébrant les 25 ans de Sophie Caron et de Réal Bossé dans les rangs de la LNI.
Quelques minutes avant l’entame de la confrontation, des projections dévoilaient diverses annonces (cours d’improvisation durant l’été, informations sur le déroulement de la saison suivante), les alignements de cette mouture 2023, des photos d’archives illustrant la riche histoire de cette ligue, des questions ludiques, également (dans le style « quelle chaîne diffusait les joutes durant les années 80 » ou « quel joueur ou joueuse a gagné le plus de trophées individuels »); bref, une manière appropriée de se mettre dans le bain en vue de l’événement de l’improvisation montréalaise le plus attendu de l’année.
S’ensuit un montage rythmé et soigné, diffusé à l’heure – assez rare dans le monde du spectacle, à noter malgré tout –, présentant les 24 joueurs et joueuses de la saison de la LNI, l’arbitre, le directeur musical, etc. et finalement, le slogan : « Éphémère, Indompté, Durable ». Trois mots simples, mais trois mots pleinement révélateurs de l’esprit et du potentiel de l’institution.
L’art de l’éphémère
N’ayons pas peur d’établir la vérité : l’improvisation s’inscrit comme un joyau national dans la culture québécoise.
La capacité que les membres de cette ligue possèdent, à savoir plonger le public dans leur univers décalé, sans accessoires ni décors quelconques, est tout bonnement remarquable : simplement huit interprètes talentueux, un saut dans le vide, et une imagination sans limite. Le site internet officiel de la LNI confirme ces quelques mots, qualifiant eux-mêmes leur sphère artistique d’un « fertile terreau de création, d’exploration et d’expérimentation ».
Cette mouture de la Ligue nationale d’improvisation prend place dans l’air du temps : si la LNI était autrefois diffusée sur les ondes de Radio-Québec, ancêtre de Télé-Québec, un choix de répéter l’expérience, tout en la modernisant, a sans l’ombre d’un doute été posé. Pour la deuxième fois de son histoire, une webdiffusion de la partie en direct était disponible, sans rediffusion – gardons la beauté de l’instant présent. Trois cent de ces billets ont trouvé preneur, « ce qui nous fait une maudite gang », avance l’animateur de la soirée.
Encore une fois dans ce désir de renouvellement, la LNI proposait au public, pour une deuxième saison consécutive, de voter pour son improvisation favorite par message texte. Les plus nostalgiques pourraient peut-être donner du poing sur la table, que l’on remplace cette mémorable paire de carton bleue et rouge par son téléphone intelligent, moins iconique, plus froid; mais il convient de le reconnaître, il est terriblement amusant de suivre les votes projetés en temps réel, particulièrement lorsque ces derniers s’annoncent serrés.
Quand le sport se marie à la culture
Pour la première fois depuis 2016, les Oranges et les Rouges se sont livrés à une finale de la Coupe Charade : au courant de neuf improvisations s’étant étirées sur plus de deux heures, les joueurs nous ont notamment fait voyager dans une histoire générationnelle de mariage, assister à un jeu de séduction datant de la Grèce antique ou encore permis de suivre les péripéties de l’équipage du capitaine Winston, coup de cœur personnel de la soirée. Les deux équipes s’envoient le point d’un côté de l’autre, sans qu’une formation arrive à clairement se détacher.
Le rire prime avant tout, oui, mais l’émotion tend autant parfois à pencher de l’autre côté : la deuxième improvisation, de type comparé, a exploré le déchirement familial durant près d’une dizaine de minutes, selon deux visions propres à chaque équipe.
Pour clôturer la partie, une improvisation mixte hilarante sur le thème de « avant la tempête » a finalement aidé à départager les deux quatuors : comme dans 74% des finales de la LNI, annonce le présentateur, cette joute du 8 mai 2023 s’est finalement soldée sur 1 point d’avance au score (et ce, grâce à peine une vingtaine de votes), en faveur des Oranges.
Alors que deux des quatre points de l’équipe des Rouges ont été gagnés par Pier-Luc Funk à lui seul (l’improvisation #4 en comparé à un joueur, et l’improvisation #7 à deux joueurs, en mixte), l’interprète de 29 ans n’aura pourtant pas vu sa formation soulever une Coupe Charade, tel un prodige du hockey inscrivant un tour du chapeau seulement pour que son équipe perde au bout du compte 4-3.
Pier-Luc Funk ne repartira pourtant pas de la soirée bredouille, puisque le trophée « Choix du public » lui sera décerné, son huitième en carrière – en continuant dans les références sportives, le populaire acteur aura remporté plus de trophées « Choix du public » que Lionel Messi de Ballon d’Or –, et d’une manière générale, son 17e titre individuel, un record pour la ligue.
Dominant, c’est le cas de le dire.
L’étendue de l’improvisation au Québec
Si la Ligue nationale d’improvisation nous apparaît comme en pleine expansion, cet art particulier a encore du mal à se faire reconnaître à ce jour : la structuration du milieu, passant par la création d’une association québécoise de l’improvisation et par l’admission de l’improvisation théâtrale comme une discipline à part entière par le Gouvernement du Québec, se dessine comme le principal défi pour ces artisans.
Avant la remise des titres de la saison, François-Étienne Paré, directeur artistique de la LNI et membre de l’équipe des Jaunes, présente au public des chiffres frappants, et parlants d’eux-mêmes : sur la dernière année, la Ligue nationale d’improvisation a su rejoindre non moins de 30 000 personnes au travers de 650 activités diverses (incluant près de 500 ateliers et 142 spectacles, revisitant entre autres l’actualité ou des classiques du théâtre dans des pièces improvisées en salle, dans les écoles et en tournée européenne). « Le talent nous pousse à développer », continue le directeur artistique, en référence à une sixième équipe ajoutée dans la ligue depuis février dernier, les Violets.
La finale de la Coupe Charade ne semble qu’être la pointe de l’iceberg du Théâtre de la LNI.
Dire que l’idée est née d’une soirée arrosée d’été entre Yvon Leduc et le regretté Robert Gravel, il y a de cela presque 50 ans : observant ce que leur création est aujourd’hui devenue, il est clair que l’un sourit en bas, et l’autre là-haut.
La Soirée VIP LNI 2023, Le choc des Titans, se tiendra le 18 mai prochain au Club Soda pour une deuxième année de suite, et regroupera quatre légendes de la LNI s’opposant à quatre joueurs actuels de la ligue.
Les titres de la soirée
Coupe Charade
Les Oranges de René Rousseau
Étoiles du match
Marie Ève Morency
Pier-Luc Funk
Étoile Antidote
Jean-François Aubé
Trophée Sophie Caron de la relève
Victor Lemieux
Coupe Antidote de la meilleure utilisation de la langue française
Joëlle Paré-Beaulieu
Trophée Pierre-Curzi de la Recrue de l’année
Louis-Philippe Desjardins
Trophée Robert-Lepage de l’improvisation de la saison
La maison des Amazones, de Fabiola N. Aladin, Lyndz Dantiste, Salomé Corbo, Mira Moisan & Joëlle Paré-Beaulieu
Prix du public
Pier-Luc Funk
Trophée Robert-Gravel du joueur de la saison
Jean-François Aubé
Trophée Marie-Michaud de la joueuse de la saison
Fabiola N. Aladin
- Artiste(s)
- Ligue Nationale d'Improvisation
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Club Soda
- Catégorie(s)
- Impro,
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