Véronique Bilodeau et la bonne vieille musique en réalité augmentée
Véronique Bilodeau lancera son nouvel EP Juste avant la nuit ce jeudi 9 juin à 19h sur la plateforme virtuelle Rampe de lancement, mise sur pied par l’ADISQ. Native du Bas-St-Laurent mais installée à Montréal depuis plusieurs années, son album et tout ce qui l’entoure rêvet à la fois un cachet old school et une volonté d’embrasser la modernité.
Au bout du fil, la fierté s’entend dans la voix de Véronique Bilodeau au sujet du lancement virtuel offert gratuitement en ligne ce jeudi soir.
Le spectacle a été capté il y a quelques jours, au Ministère. « C’était tellement un bel événement, s’exprime-t-elle. Je suis sortie de là en sueur, c’était dégueulasse ! », rajoute-t-elle à la blague.
Dur à croire quand on écoute la délicate électro-pop élégamment posée de Véronique Bilodeau !
« Même si ce n’était pas mon spectacle, je le regarderais, j’aurais envie d’être là et de triper avec du monde ! Ça va donner encore plus le goût de voir le spectacle sur scène, d’écouter l’album. »
Elle souligne au passage le travail aux éclairages de Simon Plante, qui a travaillé aux côtés de Bears of Legend et Pelch, notamment. « Un gars du Bas du fleuve », lui aussi.
La mise en scène, elle, est assurée par Isabelle Côté, une complice depuis 2015. La captation du spectacle full band a été confiée à des amis chez Filad. « On a vraiment mis la gomme sur ce lancement-là. »
La touche féminine de Rosie Valland en studio
On sent que Véronique Bilodeau a besoin de se sentir en confiance pour créer. Elle a d’ailleurs confié la réalisation de son EP à Rosie Valland, une artiste qu’elle ne connaissait pas nécessairement sur le plan personnel, mais les deux artistes s’étaient rencontrées en 2014. « Je me souviens que j’avais eu un gros coup de coeur pour la personne, et j’ai ensuite découvert ce qu’elle fait musicalement. Elle a connu une belle évolution au fil du temps. Et elle peut être touchée par différents styles. »
Véronique Bilodeau dit avoir été « longtemps complexée par le côté pop de ma musique », mais avec Rosie, elle n’a jamais senti ce jugement. « Je la trouvais déjà super bienveillante. Et en 2019, j’ai vu que Claudelle avait travaillé avec Rosie pour la réalisation. C’est là que j’ai réalisé qu’elle pouvait en faire… Pourquoi pas pour moi ! »
Trop peu d’albums au Québec peuvent se targuer d’avoir été réalisée par des femmes. Pour Véronique Bilodeau, c’était d’ailleurs une première expérience, et ça a fait toute la différence.
« Rosie voyait où je voulais aller, et cherchait à ce qu’on s’y rende. Elle avait une bonne écoute. Et ça peut paraître étrange dit comme ça, mais j’admire la façon dont elle organise ses projets dans Pro Tools ! Ça peut sonner banal… Avec Rosie, c’était minutieux, chaque section était découpée dans Pro Tools, elle prenait le temps de bien faire les choses. Chaque étape a été faite avec soin. »
Album en réalité augmentée
À ce qu’on sache, Juste avant la nuit est probablement le seul album québécois qui peut se vanter d’inclure un volet en réalité augmentée.
La pochette physique du CD permet d’avoir accès à du matériel supplémentaire en y braquant son téléphone.
« Quand tu feuillettes le livret de mon album, tu peux scanner le livret et des trucs vont apparaître : une vidéo behind the scene, du premier jour jusqu’au visuel pour l’extrait, et des mémos vocaux, explique-t-elle. Tout au long du livret, il y a des effets scintillants sur certains photos. »
C’est tout de même particulier comme anachronisme : il faut acheter un CD physique, pour avoir accès à du matériel numérique. Sommes-nous en 1996 ou en 2022 ?
On comprend vite en discutant avec elle que ce paradoxe lui ressemble. « Je viens de Rimouski, et j’ai toujours trippé à aller chez un disquaire [ndlr: le disquaire indépendant Audition Musik]. C’est mon endroit préféré ! J’achetais des CD pour pouvoir découvrir la pochette, et la feuilleter dans le salon chez mes parents. C’est un réflexe qu’on a perdu avec le numérique. Mais avec le projet, je voulais ramener l’idée de prendre le temps d’écouter la musique, pas juste l’entendre furtivement sur Spotify. »
Elle a découvert ce procédé par le biais d’un artiste britannique indépendant nommé RJ Thompson. « C’était en lien avec son projet à lui : sa couverture changeait selon la température qu’il fait dans ta ville. Je ne voyais pas comment ça pouvait s’imbriquer à mon approche artistique. »
Au fil des mois, elle s’est aperçu d’un concept qui revient naturellement sur son album : « Quand la nuit tombe, il y a quelque chose qui devient magique dans les paysages de chez moi. C’est comme si pour moi, les herbes hautes qui dansent dans le vent, c’est un univers qui s’allume, à la frontière de la réalité et de la magie. » Allumer la magie, voilà l’idée derrière l’application « Véronique Bilodeau ».
On retrouve aussi dans sa musique et ses influences un mélange de moderne et de vieux. « Je trippe sur les années 1970 et les années 1990.»
Elle cite Fleetwood Mac — Stevie Nicks étant une muse pour elle — mais aussi les Carpenters, Bob Dylan, Simon and Garfunkel, les Counting Crows, Jewel, Sheryl Crow, The Cranberries. Du côté québécois : Laurence Jalbert. « Je l’adore, surtout ses premiers albums dans les années 1990. Ça a été ma première inspiration à écrire ma propre musique comme femme. »
Ça, c’est sur le plan musical. Mais au niveau des textes, Véronique Bilodeau aborde des thèmes parfois assez intimes et dramatiques, comme la perte d’un proche par suicide assisté.
C’est vraiment mon histoire. C’est vraiment moi.
« Quand j’ai approché Rosie, je croyais que cet EP-là se dirigeait vers quelque part de dark, et finalement je me ramasse avec un EP pop-électro. J’avais besoin d’aller là. J’avais besoin d’en parler de façon lumineuse sur Reste avec moi. J’avais besoin de retrouver mes années de jeunesse passée à m’inquiéter pour mes proches et par la suite des choses. »
Dans cette chanson, elle s’adresse à sa filleule de 11 ans. Elle souhaitait lui transmettre du réconfort pour le moment éventuel où elle aurait, elle aussi, le sentiment d’être « brisée », comme ce fut le cas pour Véronique Bilodeau lorsque son beau-père a opté pour l’aide médicale à mourir.
« Lorsque j’ai approché Rosie Valland pour travailler avec elle, j’avais l’intention de parler de mon deuil de manière explicite et sans détours. Toutefois, en me mettant à l’écriture et à la composition, c’est un tout autre univers qui est apparu : un pays imaginaire, un hybride entre les chemins de campagne de mon Bas-Saint-Laurent natal et une féérie dont je rêve depuis mon enfance. »
Très belle façon de décrire le résultat de son album Juste avant la nuit.
Rampe de lancement diffusera donc un lancement en ligne pour l’album de Véronique Bilodeau. Cette plateforme vise à promouvoir la musique émergente d’ici et ainsi donner une visibilité importante aux artistes lançant un premier album. Une visibilité offerte par l’ADISQ.
* Cet article a été produit en collaboration avec L’ADISQ.
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