crédit photo: Todd Macdonald
Double murder

Double murder d’Hofesh Shechter | La violence entre au Théâtre Maisonneuve

L’attendu chorégraphe israélien à la renommée internationale Hofesh Shechter débarque à la Place des Arts pour une cinquième fois, au bonheur visible des Montréalais et Montréalaises. Présenté par Danse Danse, son excentrique programme double Double murder fera frissonner, s’esclaffer et peut-être même pleurer le public du Théâtre Maisonneuve du 2 au 5 novembre.

C’est dans les habitudes du chorégraphe de mettre les émotions au centre de ses œuvres. Et pas de façon subtile ni voilée. Son travail est justement apprécié et présenté un peu partout grâce à ce qu’il réussit à véhiculer. Shechter crache à ses audiences ses messages et ses visions, par l’entremise de ses interprètes au talent immense. Double murder, qui pose des questions quant à la présence de la violence dans nos sociétés, s’inscrit dans cette lignée.

Clowns : choquant, mais fascinant

La soirée s’ouvre sur Clowns, pièce satirique d’une grande intensité qui teste les limites de la satisfaction que l’on peut retirer face à la violence, dans l’industrie du divertissement par exemple. Si les interprètes ne s’« entretuent » pas une bonne cinquantaine de fois, ils et elles ne le font pas une seule fois. Si on était dans un jeu vidéo ou dans un film, la scène aurait fini par être barbouillée de sang. On sent d’ailleurs le public extrêmement silencieux, presque tendu, devant ce jeu de pouvoir réaliste.

À cette gestuelle violente se mêle une grande théâtralité, une des forces indéniables des interprètes de la Hofesh Shechter Company. Même si Sors-tu? assistait au spectacle à partir de la deuxième rangée (quelle chance!), ceux et celles perché.es dans les balcons voyaient sans doute les visages expressifs des danseurs et danseuses, qui ont exploré la peur, l’euphorie, la camaraderie et la frustration. Certains faciès étaient cependant beaucoup plus communicateurs que d’autres, ce qui laisse parfois perplexe. C’est à se demander si les artistes ont reçu les mêmes consignes.

Sortir du cadre

Hofesh Shechter ne se démarque pas que par son intensité : il plie et détourne plusieurs conventions ou, du moins, habitudes, de la danse contemporaine. Il compose d’abord la musique qui accompagne ses pièces, ce qui crée des spectacles où les formes d’art se rencontrent dans une symbiose parfaite. Il plonge aussi consécutivement la scène dans une pénombre complète, sans pour autant éteindre ou ralentir la musique. En résulte des moments de suspense flottant où on se demande ce qui resurgira sous nos yeux.

Comme si la gestuelle ample et tribale de ses danseurs et danseuses n’était pas suffisante, le chorégraphe les fait aussi crier. Quelques minutes après le début de Clowns, des hurlements fusent chez les spectateurs et spectatrices. Plutôt inhabituel pour la Place des Arts, non? Ce n’est que lorsque la musique baisse d’un cran qu’on réalise que ce sont les interprètes qui ont la bouche grande ouverte et qui lâchent occasionnellement des cris, dans un laisser-aller animal et extravagant.

Conclure avec la paix

Avec la seconde pièce du programme, The Fix, on change de registre… ou presque. La répétition de séquences, le travail de groupe, les longs silences et les mouvements de bras frénétiques ont leur place de choix dans les deux parties du programme double. Le thème de la violence est toutefois analysé à travers de nouvelles lunettes, beaucoup plus douces que les premières.

Le numéro met en scène moins d’interprètes, qui portent d’ailleurs des costumes moins attrape l’oeil, et les éclairages sont plus statiques et vaporeux. Un fort esprit de communauté et un désir d’aider autrui émanent des interprètes, qui vivent de la détresse et se retournent aussitôt vers leurs comparses, qui sont là pour les rattraper, objectivement et subjectivement.

La performance s’achève sur une autre surprise : les danseurs et danseuses sautent hors de scène pour aller donner des étreintes à des spectateurs et spectatrices qui semblent choisi·es au hasard dans la salle. Certains et certaines sont surpris·es, voire réticent·es. D’autres accueillent la proximité, le visage fendu d’un sourire. Un moment inattendu et grandement réconfortant qui illustre que le vivre-ensemble est probablement le meilleur remède aux atrocités comme la violence, mais pas la violence d’Hofesh Shechter. Celle-là est belle.

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