Le tapis rouge du Gala Artis : La danse macabre des moldus
On nous demande souvent : pourquoi Sors-tu.ca ne couvre pas le Gala Artis ? Ou encore : pourquoi vous ne courez pas les tapis rouges ? En lisant le compte-rendu tout-sauf-glamour du tapis rouge du Gala Artis que l’ami Hugo Mudie nous a proposé, juste comme ça (N.B.: ce n’est pas nous qui l’avons accrédité ; il l’était tout seul, comme un grand), on se dit que notre abstention est probablement justifiée… La parole à m’sieur Mudie.
Je suis allé couvrir le tapis rouge du Gala Artis 2017. On m’a pogné une passe média et vu que c’était à 4 minutes à pied de chez nous, j’ai décidé d’aller y faire un tour et de voir à quel point c’était glamour.
Faut dire que l’évènement se passait dans Hochelaga, mon quartier, au Théâtre Denise-Pelletier. Y’a définitivement quelque chose d’ironique dans le choix de l’endroit drette en partant. Le parc Morgan, en face du théâtre, qui est habitué d’être habité par des fumeurs et autres buveurs de Four Loko avait la chance d’être gentrifié pour une soirée de temps par Ludovic Bourgeois, Denis Lévesque, quelques « chroniqueurs web » et autres influenceurs des bas-fonds du dark net. Crissez des briques et de la peinture là-dessus chers défenseurs de la realness du quartier ! « C’est pas un gala qu’on veut, c’est un autre fucking bingo avec des prix du Dollorama! » Le struggle d’Hochelaga is real. Comment rendre un quartier qui rush plus beau et plus vivant sans le dénaturer et le tuer lentement ? Mettre le double Alien d’Anouk Meunier dans une robe qui traine à terre tenu par un doux monsieur en perfecto neuf.
Encore une fois, y’avait beaucoup de cuir neuf dans la place. Faut croire qu’à part Pamela Anderson, Julie Snyder et Georges Laraque, les « veudettes » aiment bien le look d’une belle peau d’animaux morts, tannée et garnie de zippers brillants.
En me rendant au gala à pied, j’ai croisé une bonne dizaine de locaux vides à louer, tout décâlissés et je me suis dit que c’était décevant que très peu de commerçants allaient profiter de la venue de Charles Biddle Junior et sa blonde dans le quartier. Après j’me suis rappelé que les anarchistes de fin de semaine aiment mieux crisser de la peinture sur des commerces indépendants runnés par du monde qui habitent le quartier et qui engagent des gens dans le besoin du quartier pour y travailler, que ‘mettons faire la même chose à un Subway ou un Esso.
Après j’me suis rappelé que tout le monde était mêlé, mais que tout le monde avait une opinion pareil. Un peu comme moi. Ça m’a donné mal au cœur, je suis donc arrêté à ma pharmacie pour renouveler ma prescription de Pantoloc, mais y’avait 10 minutes d’attente, alors j’ai demandé à la pharmacienne de me préparer ça et que j’allais passer après m’être baigné dans le glamour dégoulinant de faux-égo pendant quelques heures.
Quand j’suis arrivé sur place à la tente des médias, mon nom n’était pas sur la liste évidemment, mais quelqu’un, quelque part était au courant de mon existence et on m’a remis ma passe. Je suis allé en ligne où j’avais finalement un peu honte d’être. Je sais pas si je trippe tant que ça à être un média finalement. En avant de moi, il y avait une fille qui était vêtu de shits gonflables pour la piscine de type bouée. J’ai entendu cette conversation :
– Tu fais quoi ces temps-ci ?
– J’fais des projets… long métrage… de la pub un peu.
J’ai pris une pantoloc et une gorgée de Gin.
Oui, j’avais trainé mon flasque des Giants de San Francisco loadé d’Ungava au cas que j’aille frette. À coté de nous, la danse macabre des moldus commençait. Tous ces gens qui ont gagné des concours ou qui ont eu des billets par un collègue que sa blonde travaille chez Rouge qui attendent en ligne, dirigés par des gens avec des CB.
Ils sont impressionnés mais ne veulent pas que ça paraisse. Ils ont essayé de mettre du linge chic mais ça marche pas. Les gens qui n’ont pas plein de cash pour s’acheter du top linge chic ne devraient pas mettre de linge chic cheap. Le struggle d’Hochelaga, peut-être. Version linge.
L’affaire la plus glamour de ce lineup, c’est MC Gilles qui, assis sur un bloc de ciment fumant une top devant le bar Le Bureau, a pris en photo la ligne de danse en ligne des moldus mort-vivants. L’affaire la plus cool de ce lineup, c’est quand ma voisine en bike est venu me parler l’autre bord de la gate. Elle catchait pas c’était quoi ce cirque Shriners — elle est semi-anglo — et je lui ai un peu expliqué. Elle m’a dit : « C’est drôle hein, toutes les filles ont la peau orange. »
Y’a Denis Gauthier qui est passé et je lui ai demandé si elle le connaissait. Elle m’a dit : « non, mais il ressemble à un designer, tsé Karl Lagerfeld ». J’ai bien aimé cette situation.
J’ai pris une gorgée de gin et je suis rentré.
Il y avait plus de sécurité que de médias. Plus de sécurité que de moldus aussi. Pas les moldus cheap-chic là, les autres. Ceux l’autre bord de la gate. Mes préférés. J’ai entendu un média vétéran dire :
« Y’a quatre fois moins de monde que d’habitude. »
Sûrement pour ça que j’ai eu une passe.
J’me suis assis sur un banc de parc pas loin du tapis où les « artis » allaient passer. J’en ai vus quelques-uns. Une fille de l’Auberge. Dany, qui fait le sport à la radio. MC Gilles qui fume une autre top. J’haïs vraiment la smoke, mais j’aimais bien que MC Gilles soit le seul dude qui fume sur le tapis rouge. Une sorte de street cred intéressante.
Après c’était long. Y’avait des aliens partout. Ça applaudissait faussement en pratique de tout bord, tout coté. Les moldus se déplaçaient d’est en ouest, 2-3 p’tits pas à gauche, à go on crie, 2-3 p’tits pas à droite, on tape des mains, attention, y’a un alien qui va passer, souriez, mais faites comme si vous vous en crissez, mais pas trop. Sortez pas vos cells, sortez vos cells. 2-3 p’tits pas en arrière. Macabre.
Me suis caché pour prendre 2-3 p’tites gorgées de gin. Un dude de sécurité m’a vu et j’ai vu dans ses yeux qu’il s’est dit « chanceux », ou peut être « loser ». Ça se ressemble des fois.
Pierre Houde serrait la main de tous les moldus. Selfies pis toutes. Sourire sincère. Ça été mon préféré.
Tout le monde était mal habillé, sans exception. Aucune exception pour vrai. Le pire était peut-être Gilbert Rozon. Peut-être pas. J’m’en criss du linge d’Alien dans le fond.
J’ai remarqué que les gens l’autre bord de la clôture était pas mal la même crowd que quand j’avais booké Mononc’ Serge au Dairy Queen à deux coins de rue de là. J’en ai donc conclu que c’est pas vraiment le nom sur l’affiche qui compte, mais bien le nombre de pas à faire pour s’y rendre.
J’ai changé de spot. Je pensais à m’en aller parce que je devais aller chercher mes pills, pis je voulais voir mes enfants avant qu’ils se couchent. J’ai marché sur le tapis direct comme si j’étais un artiste — tsé moi, le simple média, pfff… — et personne ne m’a arrêté. J’ai vu dans les yeux de tout le monde qu’ils se disaient « chanceux »… ou peut-être « loser ».
J’suis allé proche des moldus habillés normal. Y’en avait un avec une pancarte qui vantaient les rondeurs chez les comédiennes. J’ai trouvé ça willing. Ça m’a fait pensé un peu au 83 qui avait trollé l’ADISQ avant que le terme existe. Ils voulaient être mieux représentés au Gala des Aliens version disque. Je sais pas si ça a marché.
Ensuite j’suis venu pour partir. J’ai croisé Phil Roy. Il m’a dit « Qu’est-ce que tu crisses icitte? » J’me le suis demandé. J’me suis dit dans ma tête : « Crisse, sa blonde est quand même plus âgée, mais ‘est chicks !» J’ai appris plus tard que c’était sa mère.
J’ai été cherché mes pills.
Les locaux à louer étaient encore à louer.
J’suis rentré chez nous. J’ai bordé mes kids.
J’ai écouté le gala à télé.
J’ai rien à dire contre Antoine Bertrand pis Fabien Cloutier. Le reste, c’était des Aliens qui se forçaient pour rire des jokes plates.
Je zappais avec la game de Subban.
J’suis allé lire des stratégies de baseball dans mon lit.
Je n’ai pas de tapis dans ma chambre.
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