Venom

Venom Inc., Necrophagia et Occult Burial au Piranha Bar | L’anti-beauté

Comme le prônait fièrement l’équipe de Hot Metal et de Sepulchral Productions, pour ce qui était de ce vendredi soir dernier, l’esprit de la vieille école serait au rendez-vous. Clous dans le visage et cheveux rasés, la dense foule s’était rassemblée au haut du Piranha Bar, prête à honorer le cœur de la scène extrême, impatiente de faire trembler l’enceinte sous la haine assourdissante des pionniers du genre…

Souvent, ce sont dans ces petites salles que la magie opère avec une vivacité et une force plus sincères que jamais: intimement rassemblés, les spectateurs, en toute proximité avec les musiciens, voient l’esprit de la vieille-école, de l’époque « tape trading » renaître. Étouffés par la chaleur, multipliant les « pit », ils redoublent d’ardeur, alors que les hommes sur scène se nourrissent de cette énergie, brutale et sans retenue.

OCCULT BURIAL

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Jeune groupe d’Ontario à ses débuts, le trio Occult Burial ose fusionner avec audace et confiance, le thrash au black, deux genres plutôt distincts en soi. C’est avec une énergie hors pair qu’ils transmettent le résultat final, fonçant vers le « old school », sans oublier de mettre de l’avant le folklore sorcier et ésotérique du style norvégien.

C’est armé d’un son et d’une allure digne des années 80, qu’ils ont expérimenté avec la distorsion, la rapidité, les changements de riffs précis et variés, en scellant le tout d’une signature rythmique typique du thrash; un véritable appel aux convulsions. C’est dans le cri aigu et éraflé du chanteur et bassiste Joël Thomas, que l’aspect sombre et dramatique du black métal ressortait le plus, joignant les deux styles dans un amalgame explosif. La foule devinait des histoires de rites sataniques, de flammes, de sacrifices et, alors que le groupe demeurait statique, plutôt captivé par la musique, la foule, elle, observait, admirative, malgré sa densité alors là inexistante.

Au final, ce fut une performance à la hauteur de celles des deux autres groupes, une certaine montée en intensité, progressive, d’un son thrash à une finale extrême, sous l’emprise de Venom. Occult Burial, sans aucun doute, a livré un produit qui se mariait à l’ambiance lugubre et sordide de la soirée, directement en corrélation avec les préférences et les attentes des spectateurs. Une musique qui a de la poigne, qui encourage et invite tout fan de métal à se lancer au milieu du parterre et à se défouler.

NECROPHAGIA

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Et alors, devant une assistance à moitié pleine, Necrophagia fit humblement son entrée. Avec ornements grotesques, à l’image de l’horreur, c’est un son rouillé, un déferlement de seringues sales, de pesanteur, d’apocalypse qui surgirent: l’anti-beauté, la contestation instantanée de toute grâce.

Groupe culte de la scène death métal « underground », c’est avec dissonance et effets que le quatuor a su offrir un divin équilibre entre la vitesse assassine et la précision jouissive, opposée à la lenteur, la menace, et une lourdeur dévastatrice; pour ne pas dire un contraste fort intéressant face à la rapidité agressive de Occult Burial. Tout au long de leur performance, perdue dans l’ambiance glauque de la petite salle et de ses éclairages verts, à saveurs malsaines, la foule s’est abandonnée à la voix aiguë, le cri écorché de Killjoy, qui jurait avec la gravité de la musique, l’attitude mystérieuse et lointaine des musiciens. S’ils sont restés de glace, cela ne fit qu’ajouter un aspect encore plus tragique et percutant à leur performance. Dégageant beaucoup par le biais de mouvements lents et de têtes basses, le manque d’interaction, de charisme ne faisait qu’amplifier leurs personnages malicieux.

Enivrant la foule, de riff en riff, les Américains ont offert un répertoire mêlant cruauté et atrocité, bref un véritable hommage à l’univers « gore », sans masque, sans retenue. De Bloodfreak à leur plus récente Whiteworm Cathedral, en passant par Embalmed Yet I Breathe pour en finir avec l’horrible Cannibal Holocaust, la petite foule à l’avant de la scène suivait de tout son corps, alors que les quelques curieux observaient en arrière, gardant sans doute leurs forces pour Venom. C’est un son fort, vibrant qui a pu guider la foule dans sa démence, son besoin d’expression: de la guitare perçante à la basse exubérante et au son martelant de la batterie, ce fut une performance massacrante, un hymne appelant tout démon, une dangereuse incantation…

VENOM INC.

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Et du haut de la petite scène, soudainement, Mantas, Abaddon et Tony Dolan, notre cher Demolition Man. Voilà, Venom Inc, un « line-up » quasi-authentique du grand groupe de métal extrême, heavy, speedy des années 80; les pionniers d’un genre empoisonné, provocateur, mortel. Presque 40 ans plus tard, les voilà encore et toujours, vêtus de cuir, derrière leurs guitares, à dominer la foule sous leurs grands hymnes sataniques. D’ailleurs, instantanément, celle-ci rugit d’excitation, alors que les dieux sur scène ouvraient avec Welcome To Hell. Toujours empli d’ardeur, malgré les années, c’est avec une aisance totale et une interprétation corporelle très convaincantes que le trio s’est promené à travers leurs plus grands succès, s’adressant parfois à la foule, et l’invitant à hurler en chœur. C’est sans surprise qu’au fil des œuvres, chaque « pit » semblait s’intensifier, alors que le parterre était dorénavant plein à suffoquer.

Malgré la vieillesse et les quelques costumes extravagants perdus en cours de route, Venom Inc. a su conserver cette hargne dans sa musique. On ne parle plus de cette ambition de conquérir la scène métal à une époque où Sabbath n’avait fait que paver la voie, on ne parle plus de ce désir absolu de recréer un univers sombre, « trash », afin de provoquer tout puritain de ce monde, mais l’on sent encore la qualité derrière le son et la manière de rendre chaque pièce.

Rappelons qu’à la base, c’est l’absence d’artifice qui rend les performances de Venom aussi impressionnantes. Ne comptant que sur leur musique, ces quelques râles de haine, et d’amertume, les trois hommes usent d’une force surnaturelle, une puissance de son, laissant déferler un sale crachat sur la foule. Visant toujours à recréer de vives émotions, il leur paraît inutile de compenser en usant de grands moyens: ils sont sincères, directs, passionnés… Et voilà la clé de leur succès depuis bien des années.

Ce vendredi soir dernier, la foule a eu droit à ces aspects typiques des années d’or de Venom, les éléments classiques de la scène extrême. On y reconnaissait d’emblée la batterie qui vient nous percer, nous tirer en pleine poitrine, la voix rauque et la guitare maléfique, hurlante de gammes pentatoniques à saveur fatale. La foule en délire, elle, n’hésitait pas un seul instant à beugler les paroles, sous une pluie d’éclairages teintés de bleu, de mauve, de rosé. De l’implacable Don’t Burn The Witch, à 7 Gates of Hell, jusqu’à Poison, en passant par l’adoré In League With Satan, pour conclure avec Black Metal et, finalement, la grande Countess Bathory, les maîtres ont une fois de plus prouvé leur talent, justifiant toute la notoriété acquise depuis des décennies.

Sous une orchestration de qualité, fidèle à l’image du groupe et de ses croyances, ce fut au final, une soirée mémorable, en l’honneur des ténèbres; une offrande au roi des enfers.

Rien de plus ne saura décrire l’intensité derrière ce groupe, ce puissant carburant qui les guide depuis toujours. Nous les avons connus au sommet de la scène métal, et c’est à jamais ainsi que nous les percevrons. Vivement la jeunesse métaleuse, qui prend le relais et transmet aux générations à venir les trésors d’autrefois…

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