Critique CD: Peter Gabriel – Scratch My Back

Peter Gabriel ressurgit, 8 ans après Up, avec un nouvel album au concept intrigant : douze relectures symphoniques de chansons de ses pairs dont il respecte la qualité d’écriture. Une exercice périlleuse au résultat plus cérébral qu’émotionnel, qui mérite une attention particulière malgré des faiblesses évidentes.

Le mot «symphonique» est au cœur de l’intérêt suscité par cette expérience : les chansons sélectionnées proviennent toutes de sources rock, folk ou «chansonnières» mais Gabriel efface toute instrumentation liée à la musique populaire à la faveur d’arrangements philharmoniques et quelques touches de piano.

La grille de chansons et ses racines ont aussi de quoi piquer la curiosité. Peter Gabriel pige dans le répertoire de quelques vétérans – Neil Young, Lou Reed, David Bowie, Paul Simon, Randy Newman – mais fait également de l’œil à un public mélomane plus contemporain en réinterprétant des chansons de Radiohead, Bon Iver, Arcade Fire, Regina Spektor, Elbow et The Magnetic Fields.

Succès et échecs

Forcément, avec une telle sélection, le résultat ne peut être qu’inégal.

Ce que toutes ces réinterprétations ont en commun, outre l’instrumentation symphonique, c’est un ralentissement au niveau du tempo (ce qui commande une écoute attentive pour éviter de trouver l’ensemble complètement assommant) et des dynamiques presque bipolaires.

Les arrangements versent tantôt dans le mélodramatique et la grandiloquence, tantôt dans la délicatesse presque obsessive, ce qui confère à l’album l’impression d'une suite d’à-coups.

Il faut tout de meme souligner à la fois l’audace de l’entreprise (Gabriel se permet des modifications majeures et personnelles aux oeuvres qu’il emprunte) et les nombreux bons coups, surtout lorsqu’on les isole du lot.

My Body Is A Cage, reprise d’Arcade Fire, est sans doute la plus grande réussite (malgré sa longueur un peu excessive). Gabriel se la réapproprie et la reconstruit avec une charpente moins viscérale, un angle étrangement inquiétant.

Sa savante relecture d’Après Moi, de Regina Spektor, se tient également très bien, tout comme la ludique Listening Wind (originalement des Talking Heads).

Toutefois, Street Spirit (Fade Out) de Radiohead rate la cible complètement en raison, notamment, d’une interprétation vocale sans âme, alors que The Boy In the Bubble de Paul Simon manque tout simplement de vie.


La suite des choses

Une chose est sure : l’expérience prendra sans doute une dimension encore plus grandiose en spectacle.

Lors de sa prochaine tournée intitulée "New Blood", qui s'arrêtera au Centre Bell, à Montréal, les 28 et 29 avril 2010, Peter Gabriel dédiera la première partie de son spectacle à ces nouvelles versions, avant de réserver le même traitement symphonique aux chansons de son propre répertoire en deuxième partie.

I'll Scratch Yours

Il est également à noter que les artistes dont Peter Gabriel a emprunté les chansons ici devront à leur tour réinterpréter une chanson du catalogue de Gabriel sur un éventuel album nommé I’ll Scratch Yours. Une autre expérience qui risque d’être périlleuse, inégale… mais somme toute fort intrigante!

Moments forts :
My Body Is A Cage, Après Moi, Listening Wind, Mirrorball

Moments moins forts:
Street Spirit (Fade Out), The Boy in the Bubble, Philadelphia